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doubleaux, a B, clef des arcs ogives, les triangles de remplissage ABC
forment un angle rentrant, une arete creuse de A en B. Mais comme ces
rencontres AB des rangs de moellons produisaient un mauvais effet,
et qu'elles oifraient. une difficulte pour le maeon, qui avait besoin, sur
cette ligne AB, d'une courbe de bois pour appuyer chaque rang de
moellons a mesure qu'il les posait, on banda un nerf de pierre BF pour
recevoir les extremites des rangs de moellons et cacher les sutures.
A la fin du xne sieele, l'Aquitaine etait angle-normande, ainsi que le
Maine et l'Anjou. Ce systeme de voütes prevalut, non-seulement dans
ces contrees, mais passa le detroit et fut adopte en Amgleterre. Peu a
peu, pendent, les premieres annees du xin" siecle, on Pabandonna dans
les provinces du continent, pour adopter (letinitivement le mode de
l'Ile-de-France; mais, en Angleterre, il persista, il s'etendit, se per-
fectionna, et entraina bientot les constructeurs dans un systeme de
voütes oppose, comme principe, au systeme frangzais. La maniere de
poser les rangs de moellons des remplissages des voütes sur les arcs,
empruntee dans Plle-de-France aux voütes darete romaines, en Angle-
terre a la coupole, eut des consequences singulieres. En France, les
surfaces des remplissages resteront toujours concaves, tandis qu'en
Angleterre elles finirent par etre convexes a l'intrados, ou plutot par
former (les successions de cenes curvilignes renverses se penetrant, et
engendrer des formes bien opposees par consequent a leur origine
(voy. VoUTE). Mais lorsqu'on etudie l'architecture gothique, on recon-
nait bientot que le raisonnement, les consequentzes logiques d'un
principe admis, sont suivis avec une rigueur inflexible, jusqu'a pro-
duire des resultats en apparence tres-etranges, outres, eloignes du
point de depart. Pour celui qui ne perd pas la trace des tentatives inces-
santes des constructeurs, les transitions sont non-seulement percep-
tibles, mais deduites d'api-es le raisonnement; la pente est irresistible :
elles paraissent le resultat du caprice, si l'on cesse un instant de tenir
le til. Aussi ne doit-on pas accuser de mauvaise foi ceux qui, n'etanl
pas constructeurs, jugent ce qu'ils voient sans en comprendre les ori-
gines et le sens; ce qu'on peut. leur reprocher, c'est de vouloirimposer
leur jugement et de blamer les artistes de notre temps qui croient.
trouver, dans ce long travail du genie humain, des ressources et un
enseignement utile. Chacun peut exprimer son sentiment, quand il
s'agit d'une oeuvre d'art; dire : a Ceci me plait, D, ou a Cela me deplait n;
mais il n'est permis a personne de juger le produit de la raison autre-
ment que par le raisonnement. Libre a chacun de ne pas admettre
qu'une perpendiculaire abaissee sur une droite forme deux angles
droits; mais vouloir nous empecher de le prouver, et surtout de le
reconnaitre, c'est pousser un peu loin l'amour de Fobscurite. L'archi-
tecture gothique peut deplaire dans sa forme; mais, si l'on pretend
qu'elle n'est que le produit du hasard et de l'ignorance, nous deman-
derons la permission de prouver le contraire, et, l'ayant prouve, de
Petudier et de nous en servir si bon nous semble.