CLOCHER
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tout autre edifice les qualites propres ä chaque province au moment
ou l'art peut abandonner ses langes romans.
La Bourgogne, malheureusement pour l'art, ne possede qu'un tres-
petit nombre de clochers du xint siccle. Les eglises de l'ordre de
(liteaux etaient influentes et trizs-nombretises dans cette province,
et l'on sait que cet, ordre nadmettziit dans ses edifices sacres, pour
placer des cloches, que les dispositions rigoureusement necessaires.
Saint. Bernard avait exclu des eglises de son ordre non-seulement la
sculpture, mais les clochers, comme etant des monuments de vanitc
sans iltilitti reelle t. Le jugement de saint Bernard vient encore appuyer
notre opinion sur l'importance donnee aux clochers pendant le moyen
fige, savoir 2 qu'ils etaient bien plutot des editices fastueux, l'orgueil
des cites ou des monasteres, que des tours destinees a recevoir des
cloches. Si le sentiment religieux faisait. batir les eglises, le sentiment
de la richesse ou de la puissance erigeait les clochers, et lanatheme
prononce par saint Bernard contre les clochers suflirait, a defaut.
d'autres preuves, pourjustitier notre appreeizition. Nous pouvons nous
plaindre toutefois de la rigueur de saint Bernard, qui nous a prives
de conceptions belles et originales comme toutes celles qui, au X1119
siecle, sont sorties de Feeole des architectes bourguignons. Vezelaiy
appartenait a l'ordre de Cluny, fort oppose au FlQOPlSITIP de l'ordre de
(liteaux, comme chacun sait : or. pres de Vezelay, est une petite tiglise
qui dependziit, de ce monastere; c'est lkiglise de Saint-Pere ou plutot,
de Saint-Pierre. Il semble que, dans ce petit editice, elevtä vers 1240,
l'architecte qui travaiillait, sous la (lepentlzintze de Fabbc de Vezelay, ait
voulu protester contre les tendances cisterciennes de la Bourgogne
a cette epoque; car il a elevfi des deux cotes du portail de Teglise de
Saint-Pore deux clochers enormes, si on les compare a la grandeur
de Peglise. De ces deux clochers, un seul est acheve, sauf la tleche,
qui fut faite de bois au XIVG siecle et couverte de bardeaux. A voir cette
elegante construction, belle par ses heureuses proportions et. par les
charmants (letails qui la couvrent, on doit croire que l'ecole bourgui-
gnonne, malgre les cisterciens, n'en etait pas alors a son coup d'essai;
ce n'est pas du premier jet que l'on arrive a de semblables concep-
tions. Il devait exister dans ces eontrees (l'autres clochers formant la
transition entre les clochers romans de la Bourgogne ou du Nivernais
et le clocher de Saint-Pere. Cette lrzinsition, faute (texemples existants
et maigre nos recherches, nous echappe completement; et si l'on trouve
encore dans la tourde Saint-Pore quelques traces des traditions romanes
de ces provinces, il faut avouer qu'elles sont a peine appreciables.
La figure '70 presente la vue perspective de ce clocher tel que l'archi-
tecte primitif le laissa, sans fleche et avant la construction
du porche qui masque sa base. En E, on voit l'amorce des construc-
tions cle la nef de teglise COHIPIIlPOPtIlIIOS du clocher. A peine celui-ci
1 Voyez l'article sm
1r FAHCIIITECTURE MONASITQI