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veritables formules, que cette souplesse des artistes disparatt totale-
ment pour faire place a un art qui, ne tenant plus compte ni des tra-
ditions, ni des habitudes locales, marche resolüment dans la voie
unique qu'il s'est tracee. Pour nous, nous prefcroiis la souplesse a ces
formules invariables, a cette logique inexorable qui force l'art ä se
jeter dans les abus de ses propres principes pour ne pas tomber dans
la monotonie; aussi nos lecteurs voudront-ils nous pardonner de nous
etentlre si longuement sur Fepoque de transition, de recherche, de
tatonnements meme, epoque bien plus variee et fertile en enseigne-
ments que celle qui la suit.
Si, a (lhartres, un architecte de Flle-de-France a concu le clocher vieux
et preside a son tfxecution, a Rouen il est vraisemblable qu un de ses
confreres a compose et fait elever le clocher de la cathedrale connu sous
le nom de tour Le clocher Saint-Romain de la cathedrale
de Rouen est contemporain du clocher vieux de Ghartres (11140 a 1160).
Le couronnement primitif de. ce clocher n'existe plus, ou ne fut jamais
(Eleve. Il devait se composer, probablement, d'une grande pyramide
octogone, comme celle qui termine l'escalier du meme clocher. Quoi
qu'il en soit, la tour est entiere et. est certainementune des plus belles
de cette partie de la France; elle offre un melange des deux styles de
Flle-de-France et de la Normandie, dans lequel le premier element
domine; la aussi l'artiste tifancais s'est soumis aux influences locales,
mais il a evidemnient apporte le goüt de son ecole et son propre genie.
Voici (fig. 62) Felevation du clocher Saint-Romain du cote de l'est,
ou se trouve l'escalier qui conduit a la base du beffroi. Le clocher
Saint-Romain de la cathedrale de Rouen est isole sur trois cotes et
porte de fond, comme la plupart des clochers de fagade anterieurs
au xme siecle. Il se compose, a Pinterieur, comme celui de Ghartres, de
deux salles vontees superposees et d'un etage de beffroi divise en deux.
Mais ici les dispositions mesquines, confuses, les divisions d'etages
ägaux en hauteur des clochers normands ont ete adoptees par le maitre
de l'oeuvre francais; en se soumettant. a ces habitudes, il a cependant
Pepandu dans son oeuvre la grace et la finesse, l'etude des details, la
sobriete des saillies, la parfaite harmonie des profils et de la sculpture
avec l'ensemble, qui appartiennent a l'ecole d'on il sortait. ll a surtout
habilement menage les pleins et les vides, donnant d'autant plus (l'ini-
portance a ceux-ci et augmentant Fechelle des details a mesure que la
tour s'elevait au-dessus du sol. Ces details sont d'une grande beaute :
la construction est executee en petits materiaux, avec le soin que les
architectes du xuc siecle mettaient dans leurs batisses ; les profils sont
Peu saillants et produisent, maigre leur extreme finesse, beaucoup
qui, du cote de l'est, derange la disposition des baies, est un chef-
dkxeuvre d'architecture. La construction du clocher Saint-Romain de
Rouen, bien que tres-legere en raison de la dimension extraordinaire
de cet edifice, n'a subi d'autre alteration que celle produite par l'in-