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qu'a la fin du X118 siecle, lorsque la monarchie frangaise prend un
ascendant reel, que Flle-de-France s'enrichit et elevc a son tour des
monuments plus vastes que ceux de la Loire, du Poitou, du Perigord
et de la Saintonge. Cependant on voit apparaitre, dans les provinces
proprement francaises, des le commencement du X119 siecle, un style
(l'architecture qui ne le cede en rien au style adopte dans l'Ouest et le
Centre. Ce n'est pas par des dimensions extraordinaires et des con-
structions colossales que cette architecture se fait remarquer, mais
par une entente des proportions, une execution fine et sobre, des
dispositions heureuses et hardies deja. Les clochers fournissaient aux
architectes un programme qui exigeait toute leur science et qui se pre-
tait au developpement de leur imagination active; car ce programme,
beaucoup moins circonscrit que celui des autres parties des edifices
religieux, civils ou militaires, permettait l'emploi de formes neuves,
ouvrait un vaste champaux artistes doues d'un esprit inventif. lie-tendue
que nous sommes oblige de donnera cet article indique assez combien
les constructeurs du moyen age ont. ete, suivant les traditions impor-
tees ou locales, et suivant leur propre genie, entraines, dans la con-
struction de ces monuments d'art plutot que d'utilite, a chercherles
formes les plus variees. Aussi les clochers sont-ils la pierre de touche
de l'imagination des architectes pendant le moyen fige.
Lecole occidentale ne sort guere des types admis vers le 00111111611-
cement du x16 siecle; elle arrive promptement a un developpement.
complet et cesse de progresser vers le milieu du X118 siecle ; elle meurt
avec l'architecture romane. Lecole orientale, celle dont le siege est
sur les bords du Rhin. est frapper: de sterilite des ses premiers essais:
elle ne fait que reproduire a l'infini les premiers t_vpes; l'imagination
fait complelement defaut a ses artistes; on ne peut saisir un progres
reel dans la conception des clochers rhenans, et les plus beaux, les
mieux entendus sont-peut-etre les plus anciens. En France, au con-
traire, cest-a-dire dans le domaine royal, le clocher roman se depouille
successivement, pendant le cours du X119 siecle, de ses formes tradi-
tionnelles, et ciee, a la fin de ce siecle, par une suite de tentatives qui
indiquent l'effort heureux d'artistes pleins d'imagination et de sens,
des conceptions de la plus grande beaute. Des modestes clochers carres,
de la fin du x1" siecle, batis sur les bords de la Seine, de l'Oise et de
l'Eure, au clocher vieux de la cathedrale de Chartres, il n'y a que cin-
quante annees d'intervalle; et, au point de vue de l'art , quel progres
immense l Nous allons essayer de suivre pas a pas la marche de ce pro-
gres; car si l'architecture gothique est nee dans ces contrees, c'est
dans Fexecution de ses clochers qu'elle fait ressortir IMIPllCUllÄEPQIIIGHl
Ses ressources et la prodigieuse fertilite d'imagination de ses artistes,
en meme temps que leur science et leur goüt.
Nous prendrons d'abord, comme un des types les plus complets des
clochers franeais, le clocher-porche de Feglise de Morienval (Oise),
hati a la fin du x12 siecle. Sa base est celle des clochers carlovingiens