Volltext: [Charnier-Console] (T. 3)

l CHATEAU ]  448  
force aujourd'hui et qui tend tous les jours a s'accroilre? C'est dou- 
teux. La feodalite avait d'ailleurs un avantage immense chez un peuple 
qui se developpait : elle entretenait le sentiment de la responsabilite 
personnelle, que le pouvoir monarchique absolu tend au contraire a 
eteindrc; elle habituait chaque individu a la lutte; c'etait un regime 
dur, oppressif, vexaloire, mais sain. Il secondait le pouvoir royal en 
forcant les populations a s'unir contre les chälelains divises, a former 
un corps de nation. 
Parmi les lois feodales qui nous paraissent barbares, il en etait beau- 
coup de bonnes et dont nous devons, a nos depens, reconnaitre la 
sagesse, aujourd'hui que nous les avons detruites. Ijinalienabilite des 
domaines, les droits de chasse et de peche entre autres, ifetaient pas 
seulement avantageux aux seigneurs, ils conservaieilt de vastes forets, 
des etangs nombreux qui defriches et asseches, deviennent la cause 
de desastres incalculables pour le territoire, en nous envoyant ces 
inondations et ces secheresses periodiques qui commencent a emouvoir 
les esprits disposes a trouver que tout est pour le mieux dans notre 
organisation territoriale actuelle. A cet egard, il est bon d'examiner 
d'un ceil non prevenu ces lois remplies de details minutieux sur 
la conservation des domaines feodaux. Ces lois sont dictees generalfv 
ment par la prudence, par le besoin dempecher la dilapidation des 
richesses du sol. Si aujourd'hui, maigre tous les soins des gouverne- 
ments armes de lois protectrices, sous une administration penetrant 
partout, il est difficile dempecher les abus resultant de la (livision 
de la propriete, dans quels (lesordres la culture des campagnes ne 
serait-elle pas tombee au moyen äge, si la feotlalite n'eut pas ete inte- 
ressee il maintenir ses privileges de possesseurs de terres, privileges 
attaques avec plus de passion que de reflexion, par un sentiment 
d'envie plutot que par l'amour du bien general. Si ces privileges sont 
aneantis pour jamais, s'ils sont contraires au sentiment. national, ce 
que nous reconnaissons, s'ils ne peuvent trouver place dans notre 
civilisation moderne, constatons du moins ceci : c'est qu'ils näitaient 
pas seulement protitables aux grands proprietaires du sol, mais au sol 
lui-meme, dest-ä-dire au pays. Laissons donc de cote les discours ba- 
nals des detracteurs attardes de la feodalite renversee, qui ne voient 
dans chaque seigneur feodal qu'un petit tyran tout occupe a creuser 
des cachots et des oubliettes; ceux de ses amis qui nous veulent re- 
presenter ces barons comme des chevaliers defenseurs de Fopprime 
et protecteurs de leurs vassaux, couronnant des rosicres, et toujours 
prets a monter a cheval pour Dieu et le roi; mais prenons la feotlalite 
pour ce qu'elle fut en France, un stimulant cnergique, un de ces ele- 
ments providentiels qui concoururent (aveuglement, peu importe) 
a la grandeur de notre pays; respectons les debris de ses demeures, 
car c'est peut-etre a elles que nous devons d'etre devenus en Occident 
la nation la plus unie, celle dont, le bras et l'intelligence ont pese 
et peseront longtemps sur les destinees de l'Europe.
	        
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