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GHATEAU
en imposer par cette apparence de force extra-humaine, ou avait-il
compose sa garnison d'hommes d'elite? C'est ce que nous ne saurions f
decider. Mais en (zonstruiszmt son chateau, il pensait certainement
a le peupler de geants. Ce seigneur avait toujours avec [lui cinquante
chevaliers, ce qui donnait un chiffre de cinq cents hommes de guerre
au moins en temps ordinaire. Il ne fallait rien moins qu'une garnison
aussi nombreuse pour garder le chateau et la basse-cour. Les caves et
magasins immenses qui existent. encore sous le rez-de-chaussee des ba-
timenls du chäteau permettaient d'entasser des vivres pour plus d'une
annee, en supposant une garnison de mille hommes. Au X1119 siecle, un
seigneur feodal possesseur d'une semblable forteresse et de richesses
assez consideratbles poursentourer d'un pareil nombre de gens d'armes,
et pour leur fournir des munitions et des vivres pendant un siege d'un
an, pouvait defier toutes les armees de son siecle. Or, le sire de Goucy
n'etait pas le seul vassal du roi de France dont la puissance fut a re-
douter. Les rudes travaux du regne de Philippe-Auguste avaient. non-
seulement donne un vif eclat a la couronne de France, mais prcscnte
pour lui cet avantage d'occuper sans treve sa noblesse, dont la guerre
etail. la vie, Toujours tenue en haleine par Faclivite et l'ambition de
Philippe-Auguste, qui zivait a conquerir de riches provinces, a lutter
contre des ennemis aussi puissants que lui, mais moins opiniatres et
moins habiles, la feodalite perdait ses loisirs, et trouvait, en secon-
dant ce grand prince, un moyen de s'enrichir et d'augmenter ses
domaines; en lui pretant. l'appui de son bras, elle augmentait la puis-
sance royale, mais elle n'avait pas lieu de regretter ses services.
Il faut se rappeler que la plupart des seigneurs feodaux etaient entou-
res d'un certain nombre de chevaliers qu'on ne soldait point, mais qui
recevaient, suivant leurs merites, une portion plus ou moins consi-
derable de terre a titre de fief; une fois possesseurs de cette fraction
du domaine seigneurial, ils s'y batissaient des manoirs, dest-a-dire des
maisons fortifiees sans donjon et sans tours, et vivaient ainsi comme
proprietaires du sol, n'ayant que quelques droits a payer au seigneur,
lui pretant leur concours et celui de leurs hommes en cas de guerre,
et. lui rendant hommage. En prolongeant rem de guerre, tout seigneur
feodal avait donc l'espoir (l'agrandir son domaine au detriment de ses
voisins, d'augmenter les fiefs qui rele vaient dela chatellenie, et de s'en-
tourer d'un plus grand nombre de vassaux disposes a le soutenir.
Philippe-Auguste, par ses conquetes, put satisfaire largement cette
hierarchie d'ambitions, et, quoiqu'il ne perdit aucune des occasions
qui s'otl'rirent a lui d'englober les fiefs dans le domaine royal, de les
diviser et de diminuer l'importance politique des grands vassaux, en
faisant. relever les petits fiefs directement de la couronne; cependant
11 laissa, en mourant, bon nombre de seigneurs dont la puissance pou-
vait porter ombrage a un suzerain ayant un bras moins ferme et moins
(Factivite a employer. Si Philippe-Auguste eüt vecu dix ans de plus et
qu'il eüt eu a gouverner ses provinces en pleine paix, il est difficile de