CHAPITEAU 1 508
Nous allons donc pouvoir suivre pas a pas les transformations successives
du chapiteau francais, sans plus faire d'excursions, comme dans la pre-
miere partie de cet article.
Ainsi que nous l'avons fait voir, il avait toujours existe une difference
marquee dans la composition des chapiteaux romans appartenant a des
colonnes isolees monocylindriques, d'un diametre assez fort par conse-
quent, et des chapiteaux de colonnettes et colonnes engagees. Toutefois
cette dilference est plutot le resultat d'un instinct naturel d'artiste que
d'un systeme arrete. En abandonnant la tradition romane pour entrer
dans l'ere ogivale inauguree, a la fin du X116 siecle, dans les provinces
du domaine royal, de la Champagne, de la Picardie et de la Bourgogne,
la composition des chapiteaux se soumet a un mode fixe; elle devient
logique comme le principe general de l'architecture. Ce sera dorenavant
le sommier des arcs supporte par le chapiteau qui commandera la forme
du tailloir; ce sera la forme du tailloir qui commandera la composition
du chapiteau. Notons encore une fois ce fait, sur lequel nous revien_
drons souvent, et dont nous ne saurions trop faire ressortir l'impor-
tance : dans l'architecture ogivale, c'est la voüte et ses divers arcs qui
imposent aux membres inferieurs de l'architecture, aux supports, leur
nombre, leur place et leur forme jusque dans les moindres details.
A la {in du X118 siecle, le chapiteau devient, comme tous les membres
nombreux de l'architecture, un moyen de construction ; il est comme une
expansion intelligente de la pile; il prend ses fonctions de support au
serieux.
Dans Plle-de-France on avait, a la {in du X116 siecle, adopte frequemment
la colonne monocylindrique comme pile, non-seulement autour des sanc-
tuaires, mais aussi dans les nefs, peut-etre parce que cette forme est celle
qui prend le moins d'espace, gene moins que toute autre la circulation,
et demasque le mieux les diverses parties interieures d'un edifice. Mais
la colonne cylindrique d'une nef devait porter : l" deux arcliivoltes de
travees; 2" Farc-doubleau et les deux arcs ogives du collateral; 3" le
faisceau de colonnettes montant jusqu'aux naissances des grandes voütes.
Ces membres compliques, se penetrant, ayant chacun leur fonction,
demandaient une assiette large, sur laquelle ils devaient s'asseoir, et qui
ne pouvait se renfermer dans la section horizontale d'un cylindre, dans
un cercle, ni meme dans le carre qui aurait inscrit ce cercle.
A la cathedrale de Paris, par exemple, dont le choeur et la nef sont
portes sur des colonnes monocylindriques, la section de la colonne etant
un cercle dont le centre est en A (fig. 26), les lits de sommiers des archi-
-voltes tracent la projection horizontale B; ceux de Farc-doubleau du bas
cote et des deux arcs ogives, les projections C, D, D; et enlin les bases des
faisceaux de colonnettes montant jusqu'aux grandes voütes, la projection
horizontale E. Qu'ont fait les constructeurs? Ils ont trace simplement le
tailloir du chapiteau suivant le carre FGHI qui inscrit tous les lits de ces
divers membres, et se sont contentes (Pabattre ses angles pour eviter des