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vinrent se ranger tant bien que mal dans un meme monument. Les
anciennes basiliques chretiennes de [tome ne sont elles-rnemes qu'une
reunion de fragments antiques. Gettevariete d'ornementation, iniposee
par la necessite, fut cause que les yeux shabituerent avoir dans un meme
edifice des chapiteaux fort differents par la composition, Page, le style et
la provenance. Lorsque les fragments antiques vinrent a manquer, il fallut
y suppleer par des oeuvres nouvelles, ct. les sculpteurs, depuis le v1" siecle
jusqu'au x16, chercherent a imiter les vieux debris romains qu'ils avaient
sous les yeux. (les imitations, faites par des mains inhabiles, avec des
outils grossiers, sans aucune idee de la nzisc au point regulierc, ne furent
que d'inforn1es reminiscences des arts antiques, dans lesquelles on cher-
cherait vainement des regles, des principes d'art. Toutefois il faut recon-
naitre que, des cette epoque rcculee, il se fit une veritable revolution
dans la maniere d'employer le chapiteau; cc membre de la colonne reeut
une destination plus vraie que celle qui lui avait eue affectee parles Grecs
et les Romains.
Certains developpements sont necessaires pour faire comprendre toute
l'importance de ce changement de destination donnee au chapiteau.
Les ordres grecs se composent, comme on sait, de la colonne avec son
chapiteau supportant un entablement, autrement dit, d'une superposition
de plates-bandes comprenant farchitravfe, la frise et la corniche. Il en est de
meme des ordres romains. Avant les dernieres annees du Bas-Empire, pas
de colonnes grecques ou romaines sans Fentableinent, et ce niestque fort
tard, dans quelques editices de latleczidence, que l'on voit, par exception,
Farchivolte romaine posee sur le chapiteau sans entablement. Dans les
ordres grecs et romains, le chapiteau estpltitot un arret destine a satisfaire
les yeux qu'un appendice necessaire 51 la solidite de Peditice, car la pre-
miere plate-bande ne depasse pas l'aplomb du diametre superieur de la
colonne, et le chapiteau est ainsi (au point dc vue de la solidite)un mem-
bre inutile, dont la forte saillie ne porte rien sur deux de ses faces.
La figure l, qui donne un chapiteau d'un des temples dhägrigente avec
son entablement, exprime clairement ce que nous voulons indiquer. Sup-
posant les parties A du chapiteau coiqiiees, Farchitravc portera tout aussi
bien sur le fut de la colonne. En gens de sens et de goüt, les Atheniens
furent evidennnent frappes de ce defaut, car, dans la construction du
Parthenon, ils tirent saillir Parchitrave sur le nn (le la colonne, ainsi que
l'indique la ligure 2. La fonction du chapiteau estla mieux marquee : c'est
un encorbellement place sur le fut cylindrique de laicolonne pour donner
une large assiette a la plate-bande. Ces finesses echapperent aux Romains;
ils ne virent dans le chapiteau qu'un simple ornement, ne profiteront
pas de son evasement pour porter une plate-bande plus large que le dia-
metre superieur du fut de la colonne.
Des les premiers temps du moyen age, Fentablement disparait totale-
ment, pour ne plus reparaitre qu'au xvl" siecle, et le chapiteau avec son
tailloir porte Yarchivolte sans in terniediaire. Alors le chapiteau prend un
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