CAVALIER
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avaient elevees, nos cathedreles apparaissent, au milieu de nos villes
populeuses, comme de grands cercueils; cependant elles inspirent toujours
aux populations un sentiment de respect inalterable. A certains jours de
solennites publiques, elles reprennent leur voix, une nouvelle jeunesse;
et ceux memes qui repetaient, la veille, sous leurs ventes, que ce sont
151 des monuments d'un autre äge sans signification aujourd'hui, sans
raison d'exister, les trouvent belles encore dans leur vieillesse et leur
pauvrcte f.
CAVALIER, s. m. 011 (lesignc ainsi un ouvrage de terre eleve au milieu
des bastions ou boulevards, pour en doubler le feu et commander la
campagne. Ce n'est guere qu'au XVle siecle que l'on eut lfidec dcxecuter
ces ouvrages pour renforcer des points faibles ou pour dominer des fronts.
Un en cxccuta beaucoup, pondant les guerres de sicge de cette cpoque,
on dedans des anciens fronts fortifies du moyen fige, et on leur donnait
alors generalement le nom de plalc-forwie. Ils presentaient comme une
' Un jour quelqu'un nous dit, en parcourant l'inter-leur de Notre-Donne iFAmiens:
a Oui, c'est fort beau; mais c'est folie de vouloir conserver quand moine ces
monuments d'un autre fige qui ne disent plus rien aujourd'hui. Vous pourrez galva-
niser ces grands corps, la manie de Parcheologie et du goflzique leur donnera quel-
ques annees d'existence de plus; mais, cette mode passee, ils tomberont dans l'oubli,
au milieu de populations qui ont besoin de chemins de fer, d'ecoles, de marches,
dabattoirs, de tout enlin ce qui est ilecessaire ai la vie journaliere. n A quelques
jours de u, une grande solennite publique appelait. dans la cathedrale un immense
concours de monde; elle citait parce de quelques maigres tentures, son ehceur etincelait
de lumicres. Notre interlocuteur ne se souvenait plus de sou discours precedent; il
s'e'criait alors : a Vraiment, c'est bien 1a le monument de la cite; tout ce qu'on peut
faire pour donner de Teclat a une ccremonie publique n'a jamais cet aspect imposant
du vieux monument qui appelle toute la population de la ville sous ses voütes. Voyez
comme cette foule donne la vie il ce grand vaisseau si bien dispose pour la contenir!
Gonlbien d'illustres personnages ont ahrites ces arceaux l Quelle idee merveilleuse d'avoir
woulu et su elever la calhedrale comme un teinoin elernel de tous les grands cvenenlents
d'une cite, d'un pays; d'avoir fait que ce temoiil vit, parle, en pro-sentant au peuple ces
evemples tires de l'histoire de Fhumanite, ou plulot du coeur humain! n Pour un peu,
notre interlocuteur, entraine par la grandeur du sujet, nous eut accuse de froideur.
Telle est aujourd'hui la catlledrale frangaise : ainnie au fond du coeur par les populations;
iuur a tour flattee et honnic pur ceux qui sont charmes de s'en servir, mais qui ne
songent guet-e a 1.1 conserver; occupee par un cierge sans ressources et souvent insou-
ciant; enigme pour la plupart; dernier vestige des temps d'ignorance, de superstition
et de barbarie pour, quelques-uns; texte de phrases creuses pour ces reveurs, amateurs
de poesie ilebulense, qui ne voient qu'ogives elancees vers le ciel, dentelles de pierre,
sculpture mysleriense ou fantastique, dans des nlonuments ou tout est methotliqne,_1'ai-
sonne, clair, ordonne et precis; ou tout a sa place marquee d'avance, et retrace l'histoire
morale de l'homme, les ellorts perseveraiils de son intelligence contre la force materiellc
et la barbarie, ses epreuves, et son dernier refuge dans un monde meilleur.