CATUEDRALE
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nellement vrais, pour se les approprier et les transformer. Au xvr siecle, on
s'empara de 1a forme antique, sans se trop soucier du fond. C'est donc une
erreur, nous le croyons, de presenter, comme quelques ecrivains de notre
temps ont voulu le faire, l'architecture nee au X110 siecle comme une sorte
de deviation de l'esprit humain; deviation brusque, sans relations avec ce
qui a precede et ce qui doit suivre. Si l'on prend la peine d'etudier serieu-
sement cet art, en mettant de (acte ces reproches banals engendres par
la prevention, repetcs par tous les esprits paresseux, on y trouvera, au
contraire, developpes avec une grande energie, les elements de ce que
nous appelons nos conquetes modernes, l'ordre general avec Findepen-
dance individuelle, l'unite dans la ifariete; l'harmonie, le concours de
tous les membres vers un centre commun; la science qui s'impose il la
forme, la raison qui domine la matiere; la critique enfin, pour nous
servir d'un mot de notre temps, qui vent que la tradition et l'inspiration
soient soumises ä certaines lois logiques. Et ce n'est pas seulement dans la
combinaison geometrique des lignes de l'architecture ogivale que nous
trouvons l'expression de ces principes, c'est encore dans la sculpture, dans
la statuaire.
Uornementation et l'iconographie de nos grandes cathedrales du Nord
se soumettentii ces idees d'ordre, d'harmonie universelle. Ces myriades
de figures, de bas-reliefs qui (leeorent la catiufdrale, composent un cycle
encyclopedique, qui renferme non-seulement toute la nature creee, mais
encore les passions, les vertus, les vices et l'histoire de Phumanite, ses
connaissances intellectuelles et physiques, ses arts et mente ses aspirations
vers le bien absolu. Le temple grec est dedie au culte de Minerve, ou de
Neptune, ou de Diane; et, considcranl ces (livinites au point de vue
mythologique le plus eleve, on ne peut (llSCOl1V611ll' qu'il y a 1a comme un
morcellement de la Divinite. Le temple de ltlinerve est a Minerve seule;
son culte ne satisfait qu'a un ordre d'idees. Le Grec qui (lesire se rendre
IJFOpiUCS les divinitcfs, dest-a-dire la puissance surnaturelle maitresse de
l'univers et de sa propre existence, doit aller successivement sacrifier a la
porte des douze dieux de FOlympe; il ne peut, a son point de vue, croire
qu'un sacrifice fait stem-es pour obtenir de bonnes reeolles lui rendra
Neptune favorable, s'il doit faire un voyage sur mer.
Nous admettons volontiersque les grands esprits du paganisme voyaien l,
dans les diffeifents mythes qu'ils adoraient, les (IUitlllÜS diverses et person-
nifiees d'une puissance divine; mais, enfin, il fallait une maladie pour
chacun de ces mythes. L'harmonie moderne ne pouvait entrer dans le
cerveau d'un Grec; elle n'avait pas de raison (Pexisler; au contraire, tout
la repoussait. Avec le christianisme, Fidee du morcellement des (Iualites
de la Divinite disparait; en priant, le chretien implore la protection de
Dieu pour lui, pour les siens, pour ce qu'il possede, pour Fhumanile tout
entiere; son Dieu embrasse l'univers sous son regard. Or cette idee ehre-
tienne, chose singuliere, nous ne la voyons materiellement developpee
qu'au XII" siecle. Il semble que jusqufi ce reveil de l'esprit moderne, la