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CATIIEDIKALE
commun accord, le chapitre, Feveque et lesbourgeois cleverent cet editice
a la fois religieux et civil. C'est par des concessions de ce genre que le
clerge put amener les citoyens d'une ville richea faire lessacritices d'argent
necessaires a la construction d'un monument qui devait servir non-seule-
ment au culte, mais meme a des assemblees profanes. Nous ne nous dis-
simulons pas combien ces conjectures paraitront etranges aux personnes
qui n'ont pas, pour ainsi dire, vecu dans la societe du moyen age, qui
croient que cette societe etait soumise a un regime purement feodal et
theocratique; mais quand on penetre dans cette civilisation qui se forme
au xue siecle et se developpe au X1118, on voit a chaque pas naitre un besoin
de liherte si prononce a cote de privileges monstrueux, 11ne tendance si
active vers Funite nationale, qu'on n'est plus etonne de trouver le haut
Clerge dispose a aider a ce mouvement et cherchant a le diriger pour ne
pas etre entraine et deborde. Les eveques aimaient mieux ouvrir de vastes
editices a la foule, sauf a lui permettre laarfois des saturuales pareilles a
celles dont nous venons de donner un apergu, plutot que de sc renfermer
dans le sanctuaire, et de laisser bouillonner en dehors les idees populaires.
Sous les voütes de la grande cathedrale, les assemhlees des citoyens, quoi-
que profanes, etaicnt forcementempreintes d'un caractere religieux. Les
populations urbaines shabituaient ainsi a considerer la cathedrale comme
le centre de toute manifestation publique. Les evetlues et les chapitres
avaient raison, ils comprenaient leur epoque; ils savaient que, pour civi-
liser des esprits encore grossiers, faciles 21 entrainer, unis par un profond
sentiment d'union et dindependance, il fallait quele monumen t religieux
par excellence füt le pivot de tout acte public.
Laon est une ville turbulente qui, pendant un siecle, est en lutte ouverte
avec son seigneur, Feveque. Apres ces troubles, ces discussions, le pouvoir
Vüyfll qui, par sa conduite, commence a inspirer confiance en sa force,
parvient a etablir la paix: mais on se souvient, de part et d'autre, de ces
luttes dans lesquelles seigneurs et peuple ont egalement souffert; il faut
S6 faire des concessions reciproqucs pour que cette paix soit (lurahle. La
cathedrale se ressent de cette sorte de compromis; sa destination est
religieuse, son plan conserve un caractere civil.
A Noyon, d'autres precedents amenent des resultats ditferenls.
ft En Fannee 1098, dit M. A. Thierryl, Baudri de Sarehainville, archi-
n diacre de Feglise cathedrale de Noyon, fut promu, par 1e choix du cierge
(f de cette eglise, ala dignite episcopale. (Yetait un homme d'un caractere
t1 äleve, d'un esprit sage et rellechi. Il ne partageait point l'aversion
u violente que les personnes de son ordre avaient en general contre
H l'institution des communes. Il voyait dans cette institution une sorte
(t de necessite sous laquelle, de gre ou de force, il faudrait plier tot ou
(t tard, et croyait qu'il valait mieux se rendre aux voeux des citoyens que
(1 de verser le sang pour reculer de quelques jours une revolution inevi-
LeIh-eae sur
Fhziftoirejle France
(lettre xv).