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pour achever ou reparcr le monument national, voulaientavoir leur cha-
pelle; on n'obtenait plus d'argent qu'a ce prix.
Les parties superieures de la cathedrale de Bourgcs se ressententidu
defaut d'unite; dcligurees aujourd'hui par des restaurations barbares qui
n'appartiennent a aucune epoque, a aucun style, il est (ilffiCllG d'apprecier
leur caractere. Mais nous les avons vues encore, il y a vingt-cinq ans,
telles que les siecles nous les avaient laissees; il semblait que l'emploi des
sommes successives eüt ete fait sans tenir compte du projet primitif:
c'f3tait comme une montagne sur laquelle chacun eleve a son gre la con-
struction qui lui convient. Les architectes appeles successivement a ter-
miner ou a consolider des constructions elevees avec des moyens insuf-
fisants y ajouterent,l'ux1 un arc-boutant, l'autre un couronnement de
contre-fort incoinpletement charge. Certainement celui qui avait concu
le plan et eleve le choeur jusqu'a la hauteur des voütes, avait pro-
jete un ediüce qui ne presentait pas ces superfctations et cette confu-
sion; et il faut se garder de juger l'art des hommes du commencement
du XIIle siecle avec ce que nous donne aujourd'hui la cathedrale de
Bourges 1.
Lacathedrale deBourgesnousrepresente mieuxencorc une salle destinee
il une grande assemblee que la cathedrale de Paris, non-seulement dans
1 Ou a reproche et l'on reproche chaque jour, aux architectes de cette epoque,
d'avoir congu des edilices qui n'etaient pas possibles; et, confondant les styles, les
cpoques, ne tenant pas compte de Fepuisement des sources financieres qui se tarirent
au milieu du xme siecle, on les accuse de n'avoir pas su achever ce qu'ils avaient
commence. Mais les architectes qui, en 1190, elevaieilt une cathedrale, ne pouvaient
supposer alors (tel etait Pcntrainement general) que les moyens dont ils disposaient
viendraient a skamoindrir. Lorsqu'ils ont pu, par hasard, terminer Fmuvre qu'ils avaient
conque, nous verrons avec quelle puissance de moyens et avec quelle science soute-
nue ils l'ont fait. Deja l'exemple de la cathedrale de Paris que nous avons donne, le
prouve; nous allons voir qu'il n'est pas le seul. Un fait curieux fait comprendre ce que
c'etait que la construction d'une cathetlrale au commencement du xme siecle. Ce fait
etant plus rapproche de nous, bien connu, convaincra, nous le croyons, les esprits
les plus enclins au doute. La cathedrale d'0rleans fut detrnitc de fond en comble par
les protestants a la {in du XVlÜ sieclc. Les Orleanais voulurent avoir non-seulement
une catherlralc, mais leur eathedrale, celle qui avait ete demolie, et pendant deux
siccles ils poursuivirent cette idee, bien que lc goüt des constructions ogivales ne
füt guere de mode alors. La catheclrale d'Orleans fut rebatie, et ce n'est pas la faute
des populations si les architectes ne surent leur elever qu'un monument bätartl.
Certes, nous n'avons pas l'intention de donner cet editice comme un modele d'archi-
tecture ogivale; mais sa reconstruction est un fait moral d'une grande portee. Orleails,
la ville centrale de la France, avait seule peut-etre conserve, en plein xvne siecle, le
vieil esprit national; seule elle etait restee attachee a son monument, qui lui rappe-
lait une grande epoque, de grands souvenirs, les premiers efforts dg la sneiätd frangaise
pour se constituer. Nous l'avons dit deja, si les chateaux, si les abbayes furent hrüles
ct devastes en 1793, toutes nos grandes cathedrales resteront debout, et beaucoup mC-mc
ne subirent pas de mutilations.