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avaient prollte, allait lui venir en aide. Rien, en effet, aujourd'hui, si
ce n'est peut-etre 1e mouvement intellectuel et commercial qui couvre
l'Europe de lignes de chemins de fer, ne peut donner l'idee de Vempres-
sement avec lequel les populations urbaines se mirent a elever des Cathe-
drales. Nous ne pretendons pas dcmontrer que la foi n'entrat pas pour
une grande part dans ce mouvement; mais il s'y joignait uninstincttres-
juste d'unite, de constitution civile.
A la lin du X115 siecle, Ferection d'une cathedrale elait un besoin, parce
que ffetait une' protestation eclatante contre la feotlalite. Quand un senti-
ment instinctif pousse ainsi les peuples vers un but, ils font des travaux
qui, plus tard, lorsque cette sorte de Iievre est passee, semblent etre le
resultat d'efforts qui tiennent du prodige. Sous un regime theocratique
absolu, les hommes elevent les pyramides, creusent les hypogees de Thebes
et de Nubie; sous un gouvernement militaire et administratif, comme
celui des Romains pendant l'empire, ils couvrent les pays conquis de
routes, de villes, de monuments d'utilite publique. Le besoin de sortir de
la barbarie et de l'anarchie, de defricher le sol, fait elever, au x12 siecle,
les abbayes de l'0ccidenl. L'unite' monarchique etreligieuse, l'alliance de
ces deux pouvoirs pour constituer une nationalite, font surgir les grandes
cathedrales du nord de la France. Certes, les cathedrales sont des monu-
ments religieux, mais ils sont surtout des ediüces nationaux. Le jour ou
la societe franeaise a prete ses bras et donne ses tresors pour les elever,
elle a voulu se constituer et elle s'est constitua-Se. Les cathedrales des xne
et XlIIe siecles sont donc, a notre point de vue, le symbole de la nationalite
francaise, la premiere et la plus puissante tentative vers Funite. Si, en
1793, elles sont restees debout, sauf de tres-rares exceptions, c'est que ce
sentiment etait reste dans 1e coeur des populations, maigre tout ce qu'on
avait fait pour l'en arracher.
oa voyons-nous les grandes eathedrales s'elever a 1a {in du xne siecle et
au commencement du X1116 ?G'est dans des villes telles que Noyon, Soissons,
Laon, Iteims, Amiens, qui toutes avaient, les premieres, donne le signal
de l'affranchissement des communes; c'est dans la ville capitale de l'I1e-
de-France, centre du pouvoir monarchique, Paris; c'est a Rouen, centre
de la plus belle province reconquise par Philippc-Auguste. Mais il est ne-
cessaire que nous entrions a ce sujet dans quelques developpements.
Au commencement du XIIÜ siecle, le regime feodal etait constitue;
il enserrait la France dans un reseau dont toutes les mailles, fortement
nouees, semblaient ne devoir jamais permettreala nation de se developper.
Le cierge regulier et seculier n'avait pas proteste contre ,ce rcgime; il s'y
ätait associe; toutefois, quoique seigneurs feodaux, les abbes des grands
monasteres conservaient, par suite des jarivileges exorbitants dont ils
jouissaient, une sorte dindependance au milieu de l'organisation feodale.
Iln'en etait pas de meme des äveques ; ceux-ci n'avaient pas profite de la
position exceptionnelle que leur donnait 1e pouvoir spirituel ; ils venaient
se ranger, comme les seigneurs laiques, souslabanniere deleurs suzerains.
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