CABRIERE
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de la metrcs : or, ces colonnes proviennent des carrieres de Coular-
noux, qui sont distantes de vingt-huit kilometres de l'abbaye, ctil a fallu
monter ces blocs au sommet d'une montagne escarpee, et cela avec des
elforts inouis. Dans beaucoup düiglises de Bourgogne, du Maconnais, on
trouve des monolithes qui, pour 1e cube, ne 1e cedent en rien a ceux-ci.
On ne peut douter que l'attention des moines ne se soit portee d'une
maniere toute particulicre sur l'exploitation des carrieres, car ils ont su
extraire des materiaux de choix en grande quantite, et les faire trans-
porter par des moyens mecaniques assez encrgiques pour causer encore
anjourd'1nii nolrc etonncmcnt.
Nous n'avons pu jusque prcscnt savoir s'il n'existait pas, pendant les
xne et XIIIÜ siecles, des corporations de carriers, comme il existait des
corporations de constructeurs de ponts (Zaontijtces) ; la vue des monuments
nous le ferait croire, car nous avons trouve, en examinant des materiaux
de gros volume, des traces de moyens de transport identiques dans des
contrees tres-eloignees les unes des autres, des choix de materizxux, en
raison de la place qu'ils occupent, indiquant un systeme d'extraction
suivi avec methode. Mais nous avons l'occasion de nous ctendre sur ce
sujet dans le mot CONSTRUCTION, auquel nous renvoyons nos lecteurs. Il
est certain, par exemple, que les carriers du moyen age devaient posseder
une methode simple pour extraire des pierres d'une grande longueur,
quoique faibles depaisseur et de largeur.
Pendant les xne et Xllle siccles, on a mis en (euvre, dans les construc-
tions, avec une profusion extraordinaire, des colonncttes, des meneaux
de fenetres, dont le diamctre ifexcede pas 0'220, et dont la longueur
varie de la a 5 metrcs, quelquefois plus; or, aujourd'hui, nous avons sou-
vent de la peine a faire extraire des materiatlx, remplissant ces conditions,
des memes carrieres d'on autrefois on les tirait en grande quantite. En
cela, comme en bien d'autres choses, nos progres, dont nous sommes si
tiers, resscmbleraient fort a une inferiorite dans la pratique.
Jusqu'au xve siecle, on ifemployait pas la scie pour (lebiter la pierre
dure: la pierre arrivait de la carriere dans les dimensions demandees par
le constructeur: il li1llait donc, pour extraire et transporter ces blocs longs
et fragiles, des precautions et des ressources negligees ou perdues. Il est
vraisemblable que, pour obtenir ces pierreslongues et minces, on employait
un procede encore usite dans quelques provinces en France, et qui consiste
a faire une tranchee etroite dans le banc-que l'on veut fendre; a placer
dans cette tranchee, de distance en distance, des coins de bois de frene
seches au four, sur lesquels on laisse tomber del'eau gouttea goutte : les
coins, en se gonflant par Yhumidite qui les penetre egalement, font fendre
1e bloc longitudinalement, sans risquer de le casser par troncons, comme
le ferait infailliblement la percussion sur des coins de fer. Trop dedaign eux
d'un passe que nous laissons denigrer par quelques esprits etroits et
paresseux, nous negligeons aujourd'hui ces details qui, autrefois, preoccu-
paient avec raison les constructeurs. Si les architectes regardent comme