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Nous avons distingue deja les chateaux servant de refuges, de citadelles
aux garnisons des villes, se reliant aux enceintes urbaines, des chateaux
isoles dominant des villages, des bourgades et des petites villes ouvertes,
ou commandant leurs defenscs, et ne s'y rattachant que par des ouvrages
intermediaires. Parmi ces chateaux, il en etait de plusieurs sortes. Les uns
se composaient d'un simple donjon entoure d'une enceinte et de quelques
logements. D'autres comprenaient de vastes espaces enclos de fortes mu-
railles, des reduits isoles, un ouplusieurs donjons. Places sur des routes,
ils pouvaient intercepter les communications, et formaient ainsi des places
fortes, vastes et d'une grande importance sous le point de vue militaire;
exigeant pour les bloquer une armee nombreuse; pour les prendre, un
attirailde siege considerable et un temps fort long. Les chateaux, ou plutot
les groupes de chateaux de Loches et de Chauvigny, que nous avons deja
cites, etaient de ce nombre 1. Autant que faire se pouvait, on profitait des
escarpements naturels du terrain pour planter les chateaux; car ils se
trouvaient ainsi a l'abri des machines de guerre, dela sape ou de la mine;
l'attaque ne se faisant que de tres-pres, et les machines de jet ne pouvant
elever leurs projectiles qu'a une hauteur assez limitee, il y avait avan-
tage a dominer Fassaillant, soit par les escarpements des rochers, soit par
des constructions d'une grande elevation, en se reservant dans la con-
struction inferieure des tours et courtines le moyen de battre l'ennemi
exterieur au niveau du plan de l'attaque. Nous avons vu que les tours de
Fepoque romane ancienne etaient pleines dans leurs parties inferieures,
et les courtines terrassees. Des 1e commencement du X119 siecle, on avait
reconnu Pinconvenient de ce mode de construction, qui ne donnait a l'as-
siege que le sommet de ces tours et courtines pour se defendre, et livrait
tous les soubassements aux mineurs ou pionniers ennemis; ceux-ci pou-
vaient poser des etangons sous les fondations, et faire tomber de larges
pans de murailles en mettant le feu a ces etais, ou creuser une galerie de
mine sous ces fondations et terrassements, et deboucher dans Finterieur
de l'enceinte.
Pour prevenir ces dangers, les constructeurs militaires etablirent, dans
les tours, des etages depuis le sol des fosses ou le niveau de l'eau, ou l'a-
rase de l'escarpement de rocher; ces etages furent perces de meurtrieres
se chevauchant ainsi que l'indique la figure 21, de maniere a envoyer des
carreaux sur tous les points de la circonference des tours, autant que
faire se pouvait; ils en etablirent egalement dans les courtines, surtout
lorsqu'elles servaient de murs a des logis divises en etages, ce qui dans les
chateaux avait presque toujours lieu. Les pionniers arrivaient ainsi plus
difficilement au pied des murs, car il leur fallait se garantir non-seule-
ment contre les projectiles jetes dehaut en bas, mais aussi contre les traits
decoches obliquement et horizontalement par les meurtrieres; s'ils parve_
1 NOUS renvoyons nos lecteurs au mot CHATEAU. Nous donnons en detail, dans cet
article important, les diverses dispositions el; 1e classement de ces demeures feodales,
ainsi que les moyens particuliers de defense, de secours, etc.