ALIGNEMENT
ALIGNEMENT, s. m. De ce que la plupart des villes du moyen äge se
sont elevees successivement sur des cites romaines ou sur les villages
gaulois, au milieu des ruines ou il l'entour de mauvaises cabanes, on
en a conclu, un peu legerement, que Yedilite au moyen age n'avait au-
cune idce de ce que nous appelons aujourd'hui les alignements des rues
d'une ville; que chacun pouvait batir a sa fantaisie en laissant devant
sa maison l'espace juste necessaire a la circulation. Il n'en est rien. ll
existe, en France, un assez grand nombre de villes fondees d'un jet
pendant les xne, XIIIE et Xlve siecles, alignees comme le sont les villes
de l'Amerique du Nord baties par les emigrants europeens.
Le pouvoir feodal n'avait pas ä. sa disposition nos lois d'expropriation
pour cause d'utilitc publique, et quand, par suite de Fagglomeration suc-
cessive des maisons, une ville se trouvait mal alignee, ou plutot ne Fetait
pas du tout, il fallait bien en prendre son parti : car si tout le monde
souffrait de Fetroitesse des rues et de leur irregularite, personne Ifdtail",
dispose, pas plus qu'aujourd'hui, a demolir sa maison benevolement, a
cedcr un pouce de terrain pour elargir la voie publique ou rectifier un
alignement. Le representant supreme du pouvoir feodal, le roi, a moins de
proceder a l'alignement d'une vieille cite par voie (l'incendie, comme
Neron a Rome, ce qui n'eut pas etc du goüt des bourgeois, n'avait aucun
moyen de faire elargir et rectifier les rues de ses bonnes villes.
Philippe-Auguste eut, dit-on, l'odorat tellement offense par la puan-
teur qui s'exhalait des rues de Paris, qu'il resolut de les empierrer pour
faciliter Fecoulement des eaux. De son temps, en effet, on commenea a
paver les voies publiques. Il pouvait faire paver des rues et acheter des
maisons qui se trouvaient sur son domaine, mais il n'avait pas a con.
trainllre les pouvoirs feodaux ayant leurs juridictions dans la cite, a se
soumettre a un projet d'alignement ou de percement. Il ne faut done
pas trop taxer nos aieux d'instincts desordonnes, mais tenir compte des
moeurs et des habitudes de leur temps, de leur respect pour celqui
existait, avant de les blamer. Ce n'etait pas par goüt qu'ils vivaient au
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milieu de rues tortueuses et mal nivelees; car lorsqu'ils bätissaient une
ville neuve, ils savaient parfaitement la percer, la garnir de remputs
reguhersz dqgdifices publics, y reserver des places avec portiques, y 61mm.
des fontalnes et des aquedues. Nous pourrions citer comme exemples les