325 [ ARCHITECTURE
de secours largement concus, on put eteindre peu a peu ces associations
de la misere et du vice. C'est dans cet esprit que nos grands hopitaux
furent rebätis pour centraliser une foule de maisons de refuge, des mala-
dreries, des dotations, disseminees dans les grandes villes; que Fhopital
central des Invalides fut fonde 3 que la Salpetriere, maison de renfermevnent
des pauvres, comme l'appelle Sauval, fut batie.
Le morcellement feodalne pouvait seconder des mesures d'utilite genc-
,rale; le systeme feodal est essentiellement egoiste: ce qu'il fait, il le fait
pour lui et pourles siens, a l'exclusion de la generalite. Les etablissements
monastiques eux-memes etaient imbus, jusque un certain point, de cet
esprit exclusif, car, comme nous l'avons dit, ils tenaient aux habitudes
feodales comme proprietaires fonciers. Les ordres mendiants s'etaient
elevesavec desidees completement etrangeres aux mceurs de la feodalite;
mais, devenus riches possesseurs de biens-fonds, ils avaient perdu de vue
1e principe de leur institution; separes, rivaux meme, ils avaient cesse,
des la fin du X1112 siecle, de concourir vers un but commun dünteret ge-
neral; non qu'ils ne rendissent, comme leurs predecesseurs les benedic-
tins, d'eminents services, mais cR-itaient des services isoles. Il appartenait
a la centralisation politique, a Punite du pouvoir monarchique, de creer
de veritables ätablissements publics, non plus pour telle ou telle bourgade,
pour telle ou telle ville, mais pour le pays. Ne nous etonnons donc point
de ne pas trouver, avant le XVIe siecle, de ces grands monuments d'uti-
lite generale, qui selevent a partir du xvue siecle, ct qui font la veritable
gloire du siecle de Louis XIV. L'etat du pays, avant cette epoque, ne com-
portait pas des travaux concus avec grandeur, executes avec ensemble et
produisant des resultats reellement efficaces. Il fallait que Funite du pou-
voir monarchique ne fut plus contestee pour faire passer un canal a tra-
vers trois ou quatre provinces ayant chacune ses coutumes, ses prejuges
et ses privileges ; pour organiser sur toute la surface du territoire un sys-
teme de casernement des troupes, d'hopitaux pour les malades, de ponts,
(Ycndiguement des rivieres, de defense des ports contre les envahissements
de la mer. Mais si le pays gagnait en bien-etre et en securite a Yetablis-
sement de Funite gouvernementale, il faut convenir que l'art y perdait,
tandis que le morcellement feodal etait singulieremcnt propre a son
developpement. Un art ofüciel n'est plus un art, c'est une formule; l'art
disparait avec la responsabilite de l'artiste.
L'architecture nationale, religieuse et monastique s'eteignit avec le
xvesiecle, obscurement ; l'architecture civile avec la feodalite, mais en
jetant un vif eclat. La renaissance, qui n'ajouta rien a l'architecture reli-
gieuse et ne fit que precipiter sa chute, apporta dans l'architecture civile
un nouvel element assez vivace pour la rajeunir. Jusqu'alors, dans les con-
structions civiles, on semblait ne tenir aucun compte de la symetrie, de
l'ordonnance generale des plans. Plusieurs causes avaient eloigne les
esprits de l'observation des regles que les anciens avaient generalement
adoptees, autant que cela etait raisonnable, dans l'ensemble de leurs ba-