{CIJITECTURE
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le fils du roi dltrzigon zivec tous ses gens; le fils du roi de Castille avec
tous ses gens; et beaucoup d'autres chevaliers, clercs et religieux que
nous passons sous silence. Et cependant, maigre ces innombrables hotes,
jamais les moines ne se derangerent de leur dortoir, de leur refecloire,
de leur chapitre, de leur inlirmerie, de leur cuisine, de leur cellier, ni
d'aucun des lieux reputes conventuels. Ifeveque de Langres fut aussi
loge dans l'enceinte du couvent. n innocent IV sejourna un mois entier
a Cluny, et saint Louis quinze jours.
Ce passage fait bien connaitre ce quktaient devenues les grandes ab-
bayes au xiiie siecle, a quel degre de richesse elles etaient arrivees, quelle
etait Fetenduc incroyable de leurs dependances, de leurs batiments, et
combien l'institution monastique devait slalterer au milieu de ces influen-
ces seculieres. Saint Louis et ses successeurs se tirent les protecteurs im-
mediats de Gluny; mais par cette protection meme, attentive et presque
jalouse, ils enlevaient au grand monastere cette independance qui, pen-
dant les xi" etsxn" siccles, avait etc d'un si puissant secours au saiut-siege
En perdant leur independance, les ordres religieux perdirent leur origi-
nalite comme artistes constructeurs; d'ailleurs, l'art de l'architecture,
enseigne et professe par eux, etait sorti de leurs mains a la fin du XlIe sieele,
et a partir de cette epoque, sauf quelques donnees traditionnelles conser-
vees dans les couvents, quelques dispositions particulieres apportees par
les nouveaux ordres precheurs, l'architecture monastique ne differe pas
de l'architecture civile. Ala {in du xve siecle, la plupart des abbayes etaient
tombees en commende, et celle de Cluny elle-inerne echut a la maison
de Lorraine. Au XVIe sieclc, avant la reforination, beaucoup furent secu-
iarisees. Autour des etablissemcnts religieux toutavait marche, tout s'e-
tait eleve, gracea leurs ellorts perseverants, a l'enseignement qu'ils aviaient
repandu dans les classes inferieures. Pendant le cours du xui" siecle, les
ordres mendiants avaienteux-memes rempli leur tache: ils ne pouvaient
que decliner. Quand arriva la tempete religieuse du XVle siecle, ils furent
hors d'etat de resister, et depuis cette epoque jusque la revolution du
dernier sieele, ce ne futqu'une longue agonie. Il faut rendre cette justice
aux benedictins, qu'ils employerent cette derniere periode de leur exis-
tence (comme s'ils prevoyaicnt leur tin prochaine) a reunir une masse
enorme de documents enfouis dans leurs riches bibliothecjues, et aformer
ces volumineux recueils qui nous sont devenus si precieux aujourd'hui,
et qui sont comme le testament de cet ordre.
Nous ne nous sommes occupe que des etablissements religieux qui
1 Pour donner une idee des tendances du pouvoir royal en France liÜS 10 Xllle sibcle,
nous citerons cette parole du roi saint Louis en apprenant qIfIIPPÜS N01? (Wcftlnlllllnie
l'empereur Frederic, et amie ses sujets du Serment de fidelite, GPÜgÜiTÜ X ÜÜIYÜÜ lu COH-
ronne imperiale au conlte Robert, frere du roi de France : a 11 sÜÜtOHII-Titv (ÜÜÜ; ÜÜ l'au"
dace temdraire du pape, qui osait desheritel- et precipiter du trüuu un aussi grand prince.
qui n'a point de superieur on ffefgal parmi les chreitiens. n (Hzist. 11e Fabbzeye (tu Cluny,
par Lornin.)