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aientau contraire jeter un interdit sur les pretres, les simples laiques,
les serviteurs, les fournisseurs, les laboureurs, sur tous ceux enfin qui
vivaient dans la circonscription abbatiale, et qui etaient neeessaires a la
vie physique ou spirituelle des moines, cet interdit ctait nul de plein
droit. Ces chartes abondent dans le cartulaire de l'abbaye; plus de qua-
rante papes, a differentes epoques, confirment ou amplifient les privi-
leges ecclesiastiques du monastere. En 1025, feveque de Macon, Gau-
lenus, denonea a Parehcveque de Lyon, son metropolitain, les abbäs ct
religieux de Cluny, qui lroublaient l'e'tat mis en fLÜglise des sa naissance,
pour s'ere1npter de la juridiction ordinaire de leur diocäsain 1. n
Uabbe fut condamne apres une longue resistance et se soumit. Le
temps n'etait pas encore venu oü la papaute pouvait soutenir les privi-
leges qu'elle accordait; mais cette premiere lutte avec le pouvoir epis-
copal explique la solidarite qui unit Cluny et la cour de Rome quelques
annees plus tard.
A vingt ans, Hugues, sous Odilon, etait deja prieur a Gluny; il etait lie
d'affection intime avec le moine Hildebrand. Hugues, lils de Dalmace,
comte de Semur en Brionnais, succeda a saint Odilon; Hildebrand devint
Gregoire VII. Tous deux, dans ces temps si voisins de la barbarie, surent
faire predominer un grand principe, Pindependance spirituelle de FE-
glise. Mais Gregoire Vll visaitplus loin; ce qu'il voulait, en triomphant
de Henri IV, c'etait assurer le supreme pouvoir a la chaire de Saint-
Pierre sur les troncs de la chretiente. Saint Hugues sut rester l'ami des
deux rivaux qui remplirent le XIB siecle de leurs luttes. ll estle represen-
tant de l'esprit monastique arrive a son apogee, dans un siecle ou Fesprit
monastique seul etait capable, par son unite, son independance, ses lu-
mieres, et l'ordre qui le dirigeait, de civiliser le monde. Que ceux quire-
proclicnt aux benedictins leurs immenses richesses, leur preponderance,
leur esprit de propagande, et Fomnipotence qu'ils avaient su acquerir, se
demandentsi tous ces biens terrestres et intellectuels eussent ete alors
plus utilement places pour Fhumanite en diautrcs mains? Etait-eela feo-
dalite seculiere sans cesse divisee, guerroyante, barbare, ignorante ; citait-ce
le peuple, quise connaissait a peine lui-meme; etait-ce la royaute, dont le
pouvoir conteste s'appuyait tantot sur le bras seculier, tantot sur l'ascen-
dant des evetiues, tantot sur le peuple des villes, qui pouvaient ainsi ren-
nir en un faisceau toutes les forces vitales d'un pays, les coordonner, les
faire fructilier, les conserver et les transmettre intactes a la POSÜLÄFHC
Non, certes; les ordres religieux, voues au celibat, reunis sous une regle
commune, attaches par des voeux inviolables et sacres, prenant pour base
la cl1arite,etaient seuls capables de sauver la civilisation, de prendre en
tutelle les grands et les peuples pendant cette minorite des nations. Les
ordres religieux au Xfsitlclc ont acquis cette immcnseinlluenee et ce pou-
voir ne relevant que d'un chef spirituel, parce que gPLlnClS et peuples com-
Hwt. de l'abbaye de Cluny, par M.
P. Lorain, p. 111 et suiv.