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fondations, ou presentent des constructions qui, par la pauvrete des ma-
tcriatlx cmployes, ne sont guere en rapport avec cette apparence de luxe
et do grandeur.
Des esprits sages et refleehis parmi nous cherchent a demontrer (nous
ne savons trop pourquoi) que notre venerable architecture religieuse na-
tionale poche par plus d'un point, et presentc notamment de ces neglh
gcnces incroyables de construction qui compromettent la duree d'un
certain nombre d'artifices ; ils voudront bien tenir compte de ces neces-
sites imperieuses plus fortes que les artistes, et qui les contraignent bien
maigre eux, dans tous les temps, a ne pas employer les moyens indiques
par Fexperience ou la science... De ces deux manieres de raisonner quelle
est la plus juste?... La cathedrale de Beims est admirablement fondee;
ses piles, elevees en grands et beaux materiaux de choix, bien poses et
ravales, n'ont subi aucun mouvement; ses voütes, solidement et j11di-
cieusement contrc-butees par des arcs-boutants bien couverts, d'une por-
tee raisonnable, par des contre-forts largement empattes, ne presenteit
pas une fissure, et cette cathedrale a etela proie d'un incendie terrible,
et l'incurie de plusieurs siccles l'a laissee livree aux intempcries, et cepen-
dant on ne decouvre dans toute sa construction ni une lezarde, m une
deformation: donc les architectes du X111" siecle etaient d'excellents con-
structeurs... Ou bien, la cathedrale de Sees est elevee sur de vieilles
fondations imparfaites, qui partout ont cede; les materiatix employes dans
sa construction sont de qualitc mediocre; sur tous les points on a cher-
chc Feconomie, tout en voulant elever un vaste et magnitique monument;
cette cathetlrale craque de toutes parts, se disloque et se lezarde, sa ruine
est imminente: donc les architectes du X111" siccle etaient de mauvais
constructeurs, ne fondant pas leurs editices, les elevant en materiaux
insuffisants comme resistance, etc., etc.
Les eveques, comme les architectes de ces temps, ont du obeir a une
donnee politique et religieuse qui ne leur permettait pas le choix des
moyens. Les dioceses pauvres devaient elever d'immenses et magnifiques
cathedrales tout comme les dioceses riches. Et nejetous pas le blame aux
architectes qui, places dans des conditions defavorables, avec des res-
sources insuftisantes, ont encore su, avec une adresse rare, remplir le
programme impose par les besoins de leur temps, et elever des editices
proches de leur ruine aujourd'hui, mais qui n'en ont pas moins dure six
vBHIS ans, apres avoir rempli leur grande mission religieuse. Avant de
juger severement, voyons si les eveques qui cachaient leur pauvrete sous
une apparence de richesse et de splendeur pour concourir a la grande
oeuvre de Yunite nationale par Funite du pouvoir religieux, si les archi_
tectes hardis qui, sans s'arreter devant des difiicultes materielles, insur-
ruontables pour nous, ont eleve des editiees encore debout, ne sont pas plus
meritants, et n'ont pas developpe plus de science et d'habilete que ceux
abondamment pourvus de tout ce qui pouvait faciliter leurs entreprises.
La peinture, la statuaire, la musique et la poesie doivent etre jugecs
d'une maniere absolue : Pieuvre est bonne ou mauvaise, car le peintre, le