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milieu favorable, Ces periodes de production se sont rencontrees partout
il Certaines äpoqueg; mais ce qui distingue particulierement le siecle qui
nous occupe, c'est, avec la quantite, Yunite dans la production. Le Xllle
sieele voit naitre dans l'ordre intellectuel des hommes tels qu'Albert 1e
Grand, saint Thomas d'Aquin, Roger Bacon, philosophes, encycloperlistes,
savants et tlieologiens, dont tous les efforts tendent a mettre de la metliode
dans les connaissances acquises de leur temps, a reunir les debris des
sciences et de la philosophie antiques pour les soumettre a l'esprit
cliretien, pour hater le mouvement intellectuel de leurs contemporains.
Uetiide et la pratique des arts se coordonnent, suivent des lors une
marche reguliere dans un meme sens. Nous ne pouvons mieux comparer
le developpement des arts a cette epoque qu'a une cristallisation; travail
syntlietique dont toutes les parties se reunissent suivant une loi lixe,
logique, harmonieuse, pour former un tout homogene dont nulle fraction
ne peut etre distraite sans (letruire l'ensemble.
La science et l'art ne font qu'un dans l'architecture du XIII" siecle, la
forme n'est que la consequence de la loi niatliematique; de meme que
dans l'ordre moral, la foi, les croyances, cherchent {i setablir sur la raison
humaine, sur les preuves tirees des Eeritures, sur l'observation des pheno-
menes physiques, et se hasardent avec une hardiesse et une grandeur de
VUES remarquables dans le champ de la discussion. On ne doit point perdre
de vue que, dans ce grand siecle, l'elite des intelligences etait orthodoxe.
Alliert le Grand et son eleve saint Thomas d'Aquin faisaient converger les
connaissances etendues qu'ils avaient pu acquerir, la penetration singu-
liere de leur esprit, vers ce point dominant, la tlieologie. Cette tendance
est aussi celle des arts du X1118 siecle, et explique leur parfaite unite.
Il ne faudrait pas croire cependant que l'architecture religieuse füt la
seule, et qu'elle imposat ses formes a l'architecture civile; loin delii. On
ne doit pas oublier que l'architecture francaise s'et:iitconst1tuee au milieu
du peuple conquis en face de ses conquerants; elle prenait ses inspirations
dans le sein de cette fraction iiidigene, la plus nombreuse de la nation; elle
etait tonibee aux mains des laiques sitot apres les preniieres tentatives
d'emaiicipation; elle ifetait ni theocratique ni feodale. (Tetait un art
independant, national, qui se pliait a tous les besoins, et elevait un chateau.
une maison, une cathedrale (voy. ces mots), en employant (les formes et des
procedes appropries ii chacun de ces ediiiees; et s'il yavait llilfmüflie entre
ces dilierentes branches de l'art, si elles etaient sorties du meme tronc,
elles se developpaient cependant dans des conditions tellement diiferentes,
fiifil est impossible de ne pas les distinguer. Non-seulement l'architecture
fraiicaise du X111" sicclc adopte des formes diverses en raison des besoins
auxquels elle doit satisfaire, mais encore nous la voyons se plier aux
niiitcriaiix qu'elle emploie. Si c'est un edillce de brique, (16 Pierre ou de
bois qu'elle ele1fe,ellc donnea chacune de ces constructions une apparence
dilferente, celle qui convient le mieuxii la nature de la matiere dont elle
dispose. Le fer l'orge, le bronze et le plomb coule ou repousse, le bois, le
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