128
religieuse, monastique ou civile, appelait a son aide toutes les ressources
de la sculpture et de la peinture, et les etablissements fondes par saint
Bernard restaient comme des temoins isoles de la protestation d'un seul
homme contre les goüts de la nation.
Dans l'organisation des corporations laiques de metiers, les communes
ne faisaient que suivre l'exemple donne par les etablissements religieux.
Les grandes abbayes, et meme les prieures, avaient depuis le VIIIE sieele
etabli autour de leurs cloitres et dans l'enceinte de leurs domaines des ate-
liers de corroyeurs, de charpentiers, menuisiers, ferronniers, cimenteurs,
d'orfevres, de sculpteurs, de peintres, de copistes, etc. (voy. ARCHITECTURE
MONASTIQUE). (les ateliers, quoiqu'ils fussent composes indistinctement
de clercs et de laiques, etaicnt soumis a une discipline, et le travail etait
methodique : c'etait par l'apprentissage que se perpetuait l'enseignement;
chaque etablissement religieux representait ainsi en petit un veritable
Etat, renfermant dans son sein tous ses moyens d'existence, ses chefs, ses
proprietaires cultivateurs, son industrie, et ne dependant par le fait que
de son propre gouvernement, sous la suprematie du souverain pontife.
Cet exemple profitait aux communes, qui avaient soif d'ordre et d'inde-
pendance en meme temps. En changeant de centre, les arts et les metiers
ne changeront pas brusquement de direction : et si des ateliers se formaient
en dehors de l'enceinte des monasteres, ils etaient organises d'apres les
niemes principes; l'esprit seculier seulement y apportait un nouvel
elernent, tries-actif, il est vrai, mais procedant de la meme maniere, par
l'association et une sorte de solidarite.
Parallelement au grand mouvement d'affranchissement des villes, une
rcvolution se preparait au sein de la feodalite seculiere. En se preeipitant
en Orient a la eonquete des lieux saints, elle obeiggait 51 deux Sentiments,
le sentiment religieux d'abord, et le besoin de la nouveaute, de se derober
auxluttes locales incessantes, alasuzeraiuete des seigneurs puissants, peut-
etre aussi a la monotonie d'une vie isolee, difficile, beseigneuse itieme :
la plupart des possesseurs de fiefs laissaient ainsi derriere eux des nuees de
creanciers, engageant leurs biens pour partir en terre sainte, et comptant
sur Pimprevu pour les sortir des diflicultes de toute nature qui s'accumu-
laient autour d'eux. Il n'est pas besoin de dire que les rois, le cierge et
le peuple des villes trouvüiflnt, dans ces emigrations en mases de la classe
noble, des avantages certains: les rois pouvaient ainsi etendre plus facile-
ment leur pouvoir; les etablissernents religieux et les eveques, debarrasses,
temperairenient du moins, de voisins turbulents, ou les voyant revenir
(igpouiuäs de tout, augmentaient les biens de FEglise, pouvaient songer
avec plus de securite ales ameliorer, a les faire valoir; le peuple des villes
et des bourgs se faisait octroyer des chartes a prix d'argent, en fournissant
aux seigneurs les sommes necessaires a ces expeditions lointaines, a leur
rachat s'ils etaient prisonniers, ou a leur entretien s'ils revenaient ruines,
ce qui arrivait frequemment. Ces transactions, faites de gre ou de force,
avaient pour resultat d'affaiblir de jour en jour les distinctions de races, de