ARCHITECTE
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du XII' siecle, tout ce qu'il yavait d'hommes lettres, savants, studieux, dans
1'0ccident, fournissaient tres-probabl-ement les architectes qui dirigeaient
non-seulement les constructions monastiques, mais aussi les Constructions
civiles et peut-etre meme militaires. Les ecoles fondees par Charlemagne
s'elevaient a l'abri des eglises; c'etait la que devaient necessairement se
refugier toutes les intelligences vouees a Fetude des sciences et des arts.
La geometrie, le dessin, la sculpture et la peinture ne pouvaient etre
enseignes que dans les seuls etablissements qui eonservaient encore un
peu de calme et de tranquillite au milieu de cet effroyable chaos de Yepoque
carlovingienne. Vers la fin du x9 sieele, au moment ou il semblait que la
societe allait s'eteindre dans la barbarie, une abbaye se fondait a Cluny,
et du sein de cet ordre religieux, pendant plus d'un siecle, sortaient
presque tous les hommes qui allaient, avec une energie et une patience
incomparables, contribuer a arreter les progres de la barbarie, mettre
quelque ordre dans ce chaos, fonder des etablissements sur une grande
partie de l'Europe occidentale, depuis I'Espagne jusqu'en Pologne. Il
n'est pas douteux que ce centre de civilisation, qui jeta un si vif eclat
pendant les x12 et X118 siecles, n'ait eu sur les arts comme sur les lettres
et la politique une immense influence. Il n'est pas douteux que Cluny
n'ait fourni a l'Europe occidentale des architectes comme elle fournissait
des clercs reformateurs, des professeurs pour les ecoles, des peintres, des
savants, des medecins, des ambassadeurs, des eveques, des souverains
et des papes; car rayez Cluny du x1" siecle, et l'on ne trouve plus guere
que tenebres, ignorance grossiere, abus monstrueux. Pendant que saint
Hugues et ses successeurs luttaient contre l'esprit de barbarie, et par-
dossus tout maintenaient Findependance du pouvoir spirituel avec une
perseverance dont l'histoire des civilisations offre peu d'exemples, il se
Riisait dans le tiers etat une revolution dont les consequences eurent une
immense porlee. Un grand nombre de villes, les plus importantes du nord
et de l'est de la France, se conjuraient et s'etablissaient en communes. Ainsi
Fetablissement feodal carlovingien etait sape de deux 60h53, par 1e pouvoir
spirituel d'une part, et par lesinsurrections populaires de l'autre. L'esprit
civil apparait pour la premiere fois sur la scene, depuis la chute de l'em-
pire, avec des idees dbrgaflisatiml; il veut se gouverner lui-meme, il
commence a parler de droits, de libertes : tout cela est fort grossier, fort
incertain; il se jette tantot dans les bras du cierge pour lutter contre la
noblesse, tantot il se ligue avec le suzerain pour ecraser ses vassaux. Mais
au milieu de ces luttes, de ces efforts, la cite apprend a se connaitre, a
mesurer ses forces; elle n'a pas plutot detruit qu'elle se presse de fonder,
sans trop savoir ce qu'elle fait ni ce qu'elle veut; mais elle fonde, elle se
fait donner des chartes, des privileges ; elle se faeonne a l'organisation par
COPPOPaLiOns; elle sentenfin que pour etre forts, il faut se tenir unis. Se
vendant a tous les pouvoirs, ou les achetanttour a tour, elle vient peser sur
tOIIS, 10s cnerve, et prend sa place auimilieu d'eux. C'est alors que les arts,
les sciences et l'industrie cessent d'etre exclusivement renfermes dans