TOILETTE
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avec une singuliere energie, etaient bien reels et trouvaient un echo
tout autour de lui, ainsi que le prouve assez l'admiration et le res-
pect que montrait pour notre poete Marguerite d'Ec0sse, ainsi que
les dames qui Fentouraient.
Au milieu du desarroi du commencement du xvo siecle, lorsque la
France semblait a tout jamais demembree et perdue par les fautes
d'une feodalite egoiste et corrompue, Favilissement des populations
et la soumission des grands corps du royaume a la loi du plus
fort : clerge, universite, corporations, congregations, car de tout
temps les corps privilegies n'ont songe et ne songent qu'a maintenir
leurs privileges et se soucient peu, au fond, de la patrie, puisque la
patrie pour eux est Fintegrite de leur existence comme corps, les
femmes seules ne desesperaient pas de cette patrie dechiree, et enfin
Jeanne Darc, la plus humble d'entre toutes, s'adressait aux derniers
membres encore palpitants de la nation et opposait aux envahisseurs
une resistance fortuite qu'ils ne savaient vaincre, au moment ou ils
pensaient etre, pour toujours, les maitres du royaume.
Alain Ghartier etait donc dans le vrai, quand il mettait dans la
bouche des femmes les nobles discours qu'on vient de lire.
Plus qu'en aucun autre pays de la vieille Europe, la femme, en
France, n'admet l'abus de la force, la soumission a une loi que son
coeur reprouve, a une necessite qui semble inflexible aux unies pru-
dentes. Et si, par hasard, elle est obligee de se plier a la brutalite
d'un fait, elle entretient et sait nourrir dans le coeur des enfants
qu'elle eleve ces haines saintes contre l'oppression et la tyrannie
qui tot ou tard se dressent formidables, en face de la puissance la
mieux affermie.
Les femmes ont ete pour beaucoup dans le mouvement revolution-
naire du dernier siecle; elles ont ete pour beaucoup dans la reaction
contre les exces ou furent bientot entraines tant d'esprits pusilla-
nimes, a la suite de quelques atroces fanatiques.
La femme, chez nous, a sa logique, toute de sentiment, qui de-
concerte souvent les calculs les plus profonds; elle est rarement
dupe, et si elle obeit, c'est que son esprit lui demontre que cette
obeissance s'accorde avec ce que ses instincts souvent bons, parfois
mauvais, lui dictent. A ce propos, l'auteur du Mänagier de Paris,
qui donne dans son livre de si delicats enseignements a sa jeune
femme, cherche a lui demontrer que Fepouse doit a Fepoux une
obeissance passive, absolue : jusque l'absurde. Et pour Faffermir
dans cette idee. il lui raconte FHistOire de Grisilidis, qui est
jolie, mais qui manque absolument le but; car, dans ce conte, la