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sistance, la noblesse du coeur, sont les moyens de seduction qui
attirent le beau sexe. C'est a ces qualites que les femmes ne resistent
point et qu'elles demeurent fidelcs. Ce sont ces qualites qu'elles
savent provoquer, exalter; et, bien entendu, le lecteur alors se met
de leur cote, meme si les lois sociales s'en trouvent parfois violees.
Un sens moral eleve sort toujours intact de ces oeuvres belles ou
mediocres des trouveres du moyen age; et cette societe que les es-
prits superficiels veulent considerer comme bigote et grossiere, por-
tait dans son sein. en dehors des sentiments religieux, des principes
moraux, d'honneur, de loyaute, de sincerite et de delicatesse qui
formaient le fond solide sur lequel s'appuyaient toutes les classes.
Une societe peut etre tries-religieuse et tres-debile et corrompue
(cela s'est vu et se voit encore), si elle n'a pas, a cote de la religion,
qui pardonne aux faibles et aux vicieux, des principes moraux, qui
ne pardonnent jamais l'oubli de ces principes et qui ne laissent aux
violateurs de ces lois que le deshonneur ou la mort comme chati-
ment. Or les femmes etaient les gardiennes de ces lois, et de leurs
jugements il n'y avait point a appeler. Ce fait ressort de tous les
ecrits frangais du moyen age. Souvent elles sont consultees, souvent
aussi elles resistent a des conseils qu'elles considerent comme
s'eloignant du strict devoir. Elles s'insurgent contre l'arbitraire, la
tyrannie et la cruaute. Elles prennent le parti du faible, et savent,
au besoin, adoucir les amertumes du vaincut : aussi etaient-elles
respectees.
A ce propos, Froissart rapporte une charmante anecdote et qui
peint de la maniere la plus vive, comme tout ce qu'ecrit ce merveil-
leux auteur, les moeurs de Pepoque. (l'est en 1342, et la scene se passe
en Angleterre; mais alors les moeurs des gentilshommes anglais ne
differaient pas de celles de France. il s'agit du roi Edouard qui arrive
avec son armee 2 pour faire lever le siege du chateau de Salisbury
investi par le roi d'Ecosse et defendu par la comtesse. En effet,
le roi d'Ecosse n'attend pas Farrivee d'Edouard et s'en retourne avec
son monde.
a il estoit venu en si grand'haste (le roi d'Angleterre), que ses gens
c et ses chevaux estoient durement travailles. Si commanda que
1 On ne trouverait dans aucun mloeumenl du moyen fige un fait analogue ä celui dont
nous avons eue les temoius : des femmes (zcrivant ä leurs maris de se liätcr de cielruire
une ville qui resisle ; et nous esperous que ce fait ne se produirait pas dans la societüdcs
femmes franrgaises. Leurs aieules eussent eu houle, loin du combat, de provoquer les
cruautes du vainqueur.
2 Clirnn. rle Frozlssurt, liv_ l, chap. CLXV elcnxvl.