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Depuis le milieu du xvO siccle, en France, ces fagons elcgztntes,
libres, imprevues, pittoresques, de porter le vctement, si energique-
trient reproduites sur nos monuments des xin" et XlVe siecles, avaient
fait place a des allures manierees a Fexces dans les classes elevces,
et vulgaires dans les classes inferieures. Cela tenait en partie a la
coupe meme de ces vetements, disgracieuse souvent, ne permettant,
par sa rectitude uniforme, aucune liberte individuelle.
"Fontes fois qu'un habit adopte des formes tellement rigoureuses que
l'individu est oblige, de par la mode, de les accepter, il en resultc une
monotonie dans le maniere ou dans le mediocre, a laquelle les
natures physiquement les mieux douces ne peuvent se soustraire.
Un valet de chambre porte aujourd'hui un frac aussi correctement
qu'un marquis, par cette raison que le frac du valet de chambre est
identique avec celui du marquis, et qu'il n'est guere possible, d'ailleurs,
de porter un frac de deux facons dilfcrcintes. Il n'en est pas de meme
lorsque la coupe de l'habit permet une certaine liberte dans la facon
de le poser, ou lorsque cette coupe se prete a des fantaisies person-
nelles. C'est alors que les gens de goüt peuvent etre distingues de
ceux qui n'en ont pas. Ainsi s'etablit peu a peu la veritable elegance,
celle qui fait loi, et qu'il n'est pas permis a tous d'atteindre. La facon
de porter le manteau, le chaperon, le pelicon, le voile, pour les
femmes, donnait. pendant les XlllÜ et XIVÜ siecles, le niveau du bon
ton, de la noblesse des manieres et d'une bonne education. Mais
quand, au xv" siecle, on adopta ces vetements serres dont tous les
plis etaient faconnes d'avance et reguliers, ces robes et surcots a
epaules d'une largeur impossible, methodiquement tailles et dont
la forme roide ne pouvait etre modiliee par les allures personnelles,
toute liberte et toute grace, par consequent, disparaissaient pour
faire place a Funiformite. Encore y avait-il dans fexageration et la
bizarrerie des modes, au commencement du xve siecle, quelque
chose qui pouvait s'allier a Felegance des rnanieres; car c'est le
propre de la distinction naturelle, de rendre supportable et meme
piquant Fetrangete du costume. Mais, a dater du regne de Louis XI,
cette exageration du vetement avait fait place a une sorte de compro-
mis, gauche et banal, qui n'est pas dans la nature francaise et qui
etait du, en partie, a l'influence qu'avait prise alors, sur les modes,
la cour de Bourgogne, passablement penetree du goüt des Flandres
et de l'Allemagne. On concoit combien durent paraitre elfrgants,
aises, gracieux, ces vctements italiens de la lin du xve siecle, a ces
gentilshommes frangais, et combien leurs habits etriques. roides,
vulgaires ou manieres, durent leur sembler maussades ct genants.