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tout en ayant la pretenlion de ne pas etre etrangers aux exigences
de l'art, il faut bien que nous mettions de l'art sur cette enveloppe
indispensable. L'art, on effet, s'y montre, quand elle ne dissimule
pas les formesdu corps et ne gene point ses mouvem nts.
Dans le vetement francais du X111" siecle, on ne vgit employer au-
cun des subterfuges destines a faire saillir ou a dissimuler certaines
formes du corps, et la grande elegance alors consistait a posseder un
physique agreable et a ne faire quedes mouvements et des gestes
convenables. Il n'etait guere possible, sous l'habit des deux sexes,
de dissimuler une imperfection de la taille ou la gauchcrie natu-
relle : c'est le meilleur eloge qu'on puisse adresser a un vetement.
Suffisamment ample pour ne gener aucune partie du corps, mais
non trop pour embarrasser les mouvements, il se modele sur le
personnage qui le porte; c'est tant pis pour lui si la nature l'a dis-
gracie. Et, sous ce rapport, les vetemcnts sacerdotaux ne le cedent
en rien aux habits civils.
Il est assez elrange qu'une epoque comme la notre, qui a la pre-
tcntion parfois de considerer comme barbares, au point (le
vue de l'art, les Francais du xui" siecle, accepte sans sourciller les
enormites de costumes qui nous crevent les yeux : ces fracs civils
des hommes, si ridicules et incommodes; ces pantalons ni justes
ni amples, qui detruisent la forme des jambes; et (puisque nous
avons designs les vetements d'eglise) ces mitres düäveques, et ces
chasubles roides, et ces chapes plus roides encore, et ces surplis
avec leurs ailes, et tous ces accessoires qui semblent prendre a tache
de parodier d'une facon burlesque toutes les parties de l'ancien
habit sacerdotal.
Nous n'irons pas jusqulä dire qu'on peut apprecier Petat politique
d'un peuple et son degre de civilisation liberale, a l'examen de ses
vetements, mais il y a certainement des rapports intimes entre le
costume et l'aptitude ou le goiit d'un peuple pour les arts. On veut
bien nous accorder ce point, s'il s'agit de Pantiquite. Pourquoi ce qui
serait verite a Atliencs, il y a deux mille cinq cents ans, serait-il
erreur pour l'an 12200? Et pourquoi, si l'on sextasie sur la beaule du
vetement grec antique, en ayant soin de faire remarquer que cette
heaute etait une consequence naturelle de l'aptitude particuliere de
ce peuple pour les arts, admet-on que nous, dont le vetement est
disgracieux et generalement incommode, nous sommes moins bar-
bares toujours au point de vue de l'art que ne Petait cette France
du Xlllo siecle, dont le vütement est si bien approprie a l'usage,
simple et gracieux? On ne repondra pas plus a cette (luestion qu'on