ROBE
990
L'auteur nous apprend que si le mari accorde la toilette doman-
dee, la dame n'en est que plus disposee a se faire voir et a courir
les bals; que, s'il la lui refuse, la dame finit par trouver quelque
galant qui est trop heureux de lui faire un pareil cadeau.
(f Ainsi se font les besongnes du bonhomme son mary, qui est
a bien a point. Or a la dame la robbe que son mary ne li avoit voulu
a donner, qui luy a couste et coustera bien chier. Or fait tant que sa
a more lui donne le drap devant son mary, pour ouster toutes
a doubtes qu'il en pourroit avoir; et aussi la dame a fait acroire
a a sa mcrc qu'elle l'a achaptee de ses petites besongnes que el a
fi vendues, sans ce que son mary en sache rien; et a l'aventure la
a more scet bien la hesongne qui avient souvent. Apres ycelle robe
a en fault une aultre, et deux ou trois saintures d'argent, et aultres
a cliouses. )J
Les dcsastres du commencement du xv" siecle ne paraissent pas
avoir eu grande influence sur les habits des deux sexes. Le luxe
persiste en depit des malheurs publics chez les classes elevees, ou
du moins ne tarde pas a rentrer dans ses habitudes, des que les
provinces commencent a respirer.
Alain Ghartier, comme moraliste, seleve contre ce luxe dans ses
vers, souvent dictes par un souflle poetique tres-puissant; mais il
n'est pas besoin de dire qu'en cette affaire les moralistes perdent
leur temps : les calamites publiques ne modifient les mceurs d'une
epoque qu'a la longue. Les Anglais, maitres de la plus grande
partie de la France, de 1418 a 1430, etaient, d'ailleurs, a cette
epoque, autant adonnes au luxe que les Frangais eux-memes, et leur
domination n'etait pas de nature a influer, a cet egard. sur les habi-
tudes des notables et riches bourgeois des grandes villes.
La Chronique de Charles VII, de Jean Chartier, donne les details
des vetements prodigieusement riches que portaient les gentils-
hommes et les notables personnages formant le cortege du roi a son
entree a Rouen en novembre 1449. a C'est 011056 ggrtaing, dit le
(f chroniqueur, qu'il n'est pas en memoire d'hommes qironcques
a le roy eust ete veu avoir pour une fois ensemble si belle cheva-
u lerie, et si richement habillee, ne plus grant nombre de gens
(i d'armes et. de guerre comme il avoit lors pour le recouvrement de
a la dite ville de Rouen. w Pendant ces solennites, les hommes por-
taient, meme par-dessus l'armure, souvent des robes tres-riches et
de grandes echarpes par-dessus, faisant le tour du cou et tombant
jusqifa terre.
A cette entree du roi Charles Vll Iioucn, ce prince, ainsi que ses