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critiques se soit appuye sur cet ouvrage pour demontrer comme
quoi la classe moyenne, a la fin du XIVe siecle, inclinait vers le
materialisme absolu; et, comme l'auteur du Mänagier donne bon
nombre de recettes de cuisine, il etait aise de deduire de ces cha-
pitres que cette haute bourgeoisie du regne de Charles V songeait.
avant tout, a bien vivre. Le Jllcnagier, cependant, contient d'autres
choses, et, si l'auteur ne fait pas de la poesie, raconte-t-il bon nombre
d'anecdotes a sa jeune femme, a titre d'exemples, qui montrent les
sentiments les plus delicats. Il est vrai que notre critique avait sa
these a soutenir et que son siege etait fait"... Nous ne voulons de ces
anecdotes que rappeler-une seule, intitnlee : Jearme la Quentine.
La reine de Navarre, dans ses Nouiielles, n'a pas dedaigne de
reproduire ce morceau, ce dont on la loue; mais elle le gate un peu,
a notre sens. Jeanne la Quentine est femme de; Thomas Quentin.
Elle apprend que son mari, en secret, frequentait une pauvre lille
a Iileresse de laine au rouet n. Jeanne prend patience, puis senquiert
de la demeure de sa rivale. Elle va chez elle et la trouve dans le denü-
ment, n'a-tant pourvue a ne de busclie, ne de lart, ne de chandelle, ne
a de huille, ne de charbon, ne de rien, fors un lit et une couverture,
a son touret et bien pou d'autre mesnage. Ma mie, lui dit Jeanne,
a je suis tenue de garder mon mary de blasme, et, pour ce queje
u scay qu'il prend plaisir en vous et vous aime et qu'il repaire ceans,
e je vous prie que de luy vous parliez en compagnie le moins que
a vous pourrez, pour eschever son blasme, le mien et de nos
a enfans, et que vous le celiez Je vostre part, et je vous jure que
a vous et luy serez bien celes de la moye part, car, puisqu'ainsi est
a qu'il vous aime, mon intention est de vous amer, secourir et aidier
w de tout ce dont vous aurez a faire, et vous Fapparcevrez bien;
u mais je vous prie de cuer que son pechie ne soit revele ne publie.
u Et pour ce queje sgay qu'il est de bonnes gens (de bonne maison),
a qu'il a este tendrement nouri, bien peu (repu), bien chauffe, bien
a couchie et bien couvert a mon povoir, et que je voy que de luy
a bien aisier vous avez pou de quoy, j'ai plus chier que vous et moy
e le gardiens en sante que je seule le gardasse malade. Si vous prie
a que vous lamez et gardez et servez tellement, que par vous il soit
u refraint et contregarde de viloter ailleurs en divers perils ; et, sans
e ce qu'il en sache riens, je vous envoieray une grant paelle pour luy
e souvent laver les pies, garnison de busclie pour le chauffer, un
a bon lit de duvet, draps et couverture selon son estat, cuevrechiefs,
e orilliers, chausses et robelinges nettes; et, quant je vous envoie-
a ray des nettes, si menvoiez les sales, et que de tout ce qui sera