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s'habille d'une facon extravagante, on peut affirmer que la tüte du
pays n'est point dans la voie sage et sensee. Pendant la periode en-
liere du moyen age, il est facile de reconnailre que Fepoque de l'ex-
travagance danslliabillement en France est comprise entre les annees
1395 et 11425. C'est aussi le moment ou le pays a ete le plus pres de
sa ruine totale, par suite de Fincapacite des chefs, du defaut de sens
moral, des dilapidations de toutes sortes, de la legerete, de l'amour
du bien-etre et du luxe des classes elevees et moyennes. Non-
seulement les monuments figures font connaitre le luxe inoui des
vetements de cette epoque, mais aussi les textes, chroniques, inven-
taires, poesies, satires. De tous ces ecrits, le Quadrilogue inoectif
d'Alain Chartier est le plus remarquable par Papreteou style et de
la pensee. L'auteur, qui ecrit pendant que la plus grande partie du
royaume est la proie des Anglais, voit la France vetue d'habillements
dechires, faisant appel a ses enfants pour la venir secourir, pendant
que de ses mains ensanglantees elle elaye un palais qui s'ecroule de
tous cotes. Au lieu de repondre a son appel, le Peuple et le Chevalier
se rejettent l'un sur l'autre la cause des malheurs dont le royaume
est accable. Au Peuple qui lui a reproche violemment son indisci-
pline, son amour du luxe, sa vanite, le Chevalier reprend: t1 A tes
paroles je reconnais bien la valeur de ton courage, et que quand tu
n'as rien a craindre, tu courres sus a meilleur que toi. Tu fais tes
plaintes de la vanite, des pompes et dissolution de notre Etat, et tu
nous accuses de la dilapidation des finances publiques que nos
bourses alimentent, tandis que tu gardes ton argent... Or, dis-moi: de
nous, qui abusons de ce qui nous appartient et de ce que nous don-
nons, ou de toi qui prends ce qui ne Vappartient pas, ou est le cou-
pable? Dailleurs ne t'es-tu pas jete plus que nous encore dans les
abus de toutes sortes i? Et tu en vois encore les enseignes, quand ung
ourlet cousturier et la femme d'un homme de bas ätat osent porter
l'habit dont nng vaillant Chevalier et une noble dame souloient
estre en Court de Prince tenu; tres-bien pares. Cette scandaleuse
l'amie est venue de plus hault que de toy et de moy, quand cettlm qui
ont eu d departir les guerredons des bienfaits et des honnezirs, les
0M donnez aux robes et ana: apparences du dehors, dont chasourt a
prins telle instruction, que fort est d cognoislre Festat des honnncs
ä leurs habits, et choisir ung noble d'avec ung ouvrier moca-
nique. n
Mais ne croirait-on pas que la suite de ce discours a ete prononcee
hierh Encore, ajoute le chevalier, ne me parles-tu pas de la dilapi-
dation des finances? ce qui ne me regarde point. Je n'en ai pas