CHASSE
Depuis le XVIG siecle, le mot chasse ne s'emploie que pour designer
le coffre transportable dans lequel est depose le corps d'un saint. Il
serait difficile de preciser fepoque ou les corps des saints commen-
cerent a etre deposes dans des chasses (capsoe), que l'on pouvait
transporter d'un lieu a un autre; originairement, ces restes vcncres
etaient places dans des sarcophages, au-dessus et au devant desquels
on elevait un, autel. Mais, sauf quelques rares exceptions, et des
fepoquc carlovingienne deja, on retira les restes des corps-saints des
tombeaux fixes, pour les renfermer dans des coffres meubles. Les
incursions des Normands contribuerent a repandre cet usage. Ces
barbares, faisant subitement irruption dans les Gaules, tantot sur un
point, tantot sur un autre, se jetaient de preference sur les riches
abbayes, sur les eglises qui possedaient des tresors; les religieux
voulurent empocher que les sepultures des saints martyrs ne fussent
violees, leurs restes disperses. Car, a cette cpoque, outre le respect
dont on entourait ces reliques, celles-ci etaient pour les monasteres
une source intarissable de richesses. Ueglise pillee, devastec, bru-
lee se relevait promptement de ses ruines, si les reliques du saint
venere dans son enceinte etaient conservees. Il y a donc lieu de
croire que c'est surtout pendant les 1x" et xe sieclcs que l'usage des
chasses mobiles devint gencral, specialement sur le littoral nord et
ouest de la France.
Les premieres chasses furent naturellement executees en bois; ce
n'etaient que des coffres assez legers pour etre facilement transportes
d'un lieu a un autre, assez simples pour ne pas exciter la cupidite.
Pendant les invasions normandes, il est sans cesse question de corps-
saints enleves par les religieux, caches, en attendant des temps meil-
leurs. La reintegration des reliques, lorsque le calme etait retabli,
donnait lieu a des processions, a des ceremonies pendant lesquelles
le saint, retabli dans son sanctuaire, faisait quelques guerisons mi-
raculeuses : detait l'occasion pour les eglises de recevoir des dons
considerables. Nous ne pouvons que difficilement nous faire une idee
aujourd'hui de la desolation qui s'emparait des populations lorsqu'il
fallait se separer des restes du saint venere dans la localite, de la
joie qu'elles eprouvaient lorsque revenait en grande pompe la chasse
contenant ces restes. C'est qu'en effet un corps-saint, pour une
population, avait une importance dont nous ne trouvons pas aujour-
d'hui Pequivalent. Le corps-saint faisait de Peglise un lieu inviolable;
il etait le temoin muet de tous les actes publics, le protecteur du
faible contre Poppresseur; datait sur lui que l'on pretait serment;
detait a lui qu'on demandait la cessation des fleaux, de la peste, de