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VIE
PRIVEE
NOBLESSE
FEODALE.
a voyages, des malles de bois tres-legeres, recouvertes de cuir
a gaufre, et qui sont extremement solides; on prefere ces ecrinsii
a nos coffres de menuiserie, car ceux-ci sont lourds. Si vous voulez,
a je vais vous conduire chez mon voisin Pecrinier; vousy verrez
a de tres-beaux ouvrages de ce genre. W Nous nous empressämes
d'accepter la proposition de Jacques le huchier; et, otant sarohe
(le travail et son tablier", il nous conduisit chez Pierre Aubri,
Pecrinier.
LTIcrinier.
Pierre Aubri est un homme age, d'un aspect venerztble, et qui
prend volontiers des airs d'importance, car il fait des affaires avec
toute la noblesse; il est souvent appele dans les appartements des
seigneurs et des damoiselles pour recevoir leurs ordres et s'occuper
du mobilier de Pinte-rieur des familles. Il tient a paraitre discret et
reserve, non sans raisons, car il sait bien des secrets de nobles
dames et riches seigneurs. Dans la boutique, sur la rue, on ne voit
guere que des coffrets recouverts de lames de cuivre etampe ou de
plaques d'etain fondu, puis de petites tables incrustees d'os et
d'il-belle. Mais lorsque Jacques lui eut assure que nous etions etran-
gers ct tres-eapables däipprecier le merite de ses oeuvres, il nous
fit passer dans un aitelier situe au premier otage ou travaille son
apprenti. La nous nous trouvames au milieu de petits meubles de
toute forme et de toute maniere. les uns de bois, d'autres d'ivoire
ou d'os, de marqueterie de metal et de bois etrangers, de cuir de
vache, düftnc ou de cheval; les uns peints des plus brillantes cou-
leurs et dores, d'autres couverts de plaques ttemaux. En soulevant
quelques-uns de ces coffrets, nous firmes surpris de leur extreme
legerete, et notre etonnement a ce sujet fit sourire Pierre Aubri.
a ll n'y a qu'ici, messieurs, nous dit-il, ou vous trouverez des ecrins
a aussi solides qu'ils sont legers. Voyez ce coffre, poursuivit-il en
a nous mettant dans les mains une assez grande boite recouverte de
a cuir gauffre et qui paraissait ancienne, il y a douze ans que je l'ai
e fabriquee pour un riche marchand de bijoux qui ne cesse de
' Les menuisiers hucliicrs cndossaicnt, pour travailler, une sorte de blouse juste au
corps, xi manches courtes, et mettaient devant eux un petit tablier (vignettes de manu-
crits, vitraux). Ce vetemcnt se conserva jusqu'au xvl" siecle (voy. une n'es-belle vignette
du temps de Louis Xll appartenant i; M. Deluherehe, de Bcuuvais). On retrouve dans
cette vignette tous les outils alors en usage : ce sont les memes que ceux dont se servent
encore aujourd'hui nos menuisiers.