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VIE
PRIVEE
DE
LA
NOBLESSE
FEODALE.
Il faut dire que le luxe de bon aloi n'est que plus ruineux. Les
etoffes etaient fort eheres; l'industrie n'en etait pas arrivee a fabri-
quer a bon marche et a donner l'apparence pour la realite. La
sculpture, repandue a profusion sur les meubles, attachait s. chacun
d'eux la valeur d'un objet d'art. Hais ce qui caraeterise le mobilier
du moyen üge, ce n'est pas tant sa richesse que le goüt et la raison
dans l'adoption des formes, la destination franchement accusee, la
varie-te infinie et l'apparence de la solidite, l'enaploi vrai de la ma-
tiere en raison de sa qualite. Le bois, le cuivre, le fer, conservent les
formes qui leur conviennent ; la structure reste toujours apparente,
quelle que soit l'abondance de Fornementation. Par le fait, les meu-
bles de bois ont toujours l'apparence primitive de la charpente; ce
n'est que pendant le xv' siecle que cette construction est masquce
par une decoration confuse. Jusqu'alors les etolfes sont partieuliere-
ment destinees a revetir d'une enveloppe la forme simple des meu-
bles: aussi etaient-elles, chez les riches nobles, cmplovees avec une
grande profusion; on en peutjuger en fouillant les inventaires, en
examinant les vignettes des manuscrits. Posees sur des coussins ou
petits matelas mobiles, ces etoffes pouvaient etre enlevees, soit pour
etre nettoyees, soitpour etre remplacees par d'autres. C'est ainsi que
dans les inventaires on trouve deux garnitures pour un meme ino-
bilier: l'une pouvait, par exemple, etre posee en hiver, l'autre en
cas, ou bien la plus simple a l'ordinaire, la plus riche pour lesjours
de gala. Ces etoffes etaient donc a peu pres ce que sont aujourd'hui
nos housses, seulement les coussins sur lesquels on les posait etaient
eux-memes mobiles, non point clones sur les bois.
Nous terminerons cet article en donnant a nos lecteurs des appar-
tements meubles de chateaux aux xu", XIIIÜ, XIV' et xve siecles.
La planche XII represente une chambre de seigneur vers le milieu
du x11" siecle. L'architecture est d'une grande simplicite: des poi-
traux accoles, portes par de lourds piliers, traversent la pieee et re-
goivent les poutres qui elles-memes supportent le solivage. La che-
minee est circulaire 1; sa hotte est decoree de peintures "i. A cote est
suspendue une image du patron du maitre de la chambre; au-des-
sous, un bras de fer attache a la muraille est destine a recevoir un
cierge. Des courtines suspendues a des potences mobiles de fer
peuvent masquer les jours des fenetres? Le lit est protege par deux
' Voyez le Dict. raisonnä zfarchitect. f'ranp., au mot CIIEMINEE.
' Salle de la maitrise, prüs de la calhüdrale du Puy en Velay.
3 Dans les chambres des chäteaux des X116 et xm" sibclcs, on voit encore, le long des
fenätres, les pitons de fer qui ätaient destinäs ä recevoir ces potences mobiles.