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Ylli
PRIVIÜJE
NOBLESS E
ÜUDALE.
a regis par elle, car l'amiral etait un riche seigneur, possedant des
a terres et de grosses rentes, mais ne se melait de rien, car sa dame
suflisait a tout. Et Pero Nifio fut tant aime honnetement de madame
a pour le merite qu'elle voyait en lui, qu'elle lui parlait un peu de
a ses affaires, et le pria qu'il allat voir son perc, un noble chevalier
a qui s'appelait Bellengues et vivaiten Normandie.
Parmi les renseignements que-fnous fournit ce passage, l'un des
plus curieux est certainement celui concernant lachatelaine, qui
remplit exactement les fonctions d'une maitresse de maison, comme
on dirait aujourd'hui; dont l'appartement est separe des autres corps
de logis par un pont-levis; qui exerce, dansle domaine, un pouvoir
entier. Au x1v"sierle donc, l'importance de la femme dans le chateau
feodal etait considcralale. Le passage de dont Pero Nino n'est pas le
seul qui puisse nous eclairer sur ce fait : Froissart et les auteurs des
xive et xv" siecles, parlent frequemment de_ chatelaines possedant la
direction des affaires du seigneur. On comprendra facilement com-
ment, sousjune pareille influence, les chateaux des seigneurs feo-
daux devaient se garnir non-seulement de tous les objets neces-
saires a la vie, mais encore de toutes les supertluites et du luxe dont
s'entoure bientot tonte existence riche et oisive. Dans l'espace d'un
siecle, les- moeurs feodales s'etaient protondement modifie-es. Les
romans du xnr siecle sont remplis d'histoires dans lesquelles les
lemmes sont loin d'avoir acquis cette indepentlance que nous leur
voyons prendre pendant le XIVC; traitees avec egard et respect, leur
role n'est cependant que celuide sujettes. Il n'est point de ruses que
les poätes ne leur pretent pour se soustraire a la dependancc absolue
de fepoux; ces ruses ont toujours un plein succes, bien entendu.
Lorsqu'on lit, comme nous avons du le faire, les romans si nombreux
ecrits pendant les xnr cet XIV' siecles, on reconnait bientot que les
moeurs de cette epoque etaient fort eloignees dela barbarie. On sent
dans ces oeuvres litteraires un parfum de politesse exquise; a chaque
page percent des habitudes raflinees, un amour du luxe, de bien-titre,
qui ne rappellent guere les mmurs farouches, les grossieres rodo-
amontades et le sans-gene que la plupart de nos auteurs modernes ont
bien voulu pretctf a la noblesse et a la bourgeoisie de cette epoque.
LÜn pourrait, avec plus de raison, reprocher a cette societe des X111" et
Xlve siecles une recherche excessive poussce jusqu'a Faffeterie.
Charles V avait donne a la reine Jeanne de Bourbon, sa femme,
un train magnifique; il l'avait entouree des plus nobles dames de
France, a toutes de parage, honestes, duites donneur, et bien
a morigenees, car, autrement, ne fussent ou lieu souffertes, et