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en deliancc pcrpetuelle, ne comptant meme pas toujours sur le petit
nombre d'hommes qui Pentourait, il fallait bien qu'il conliat ses plus
chers interets a quelqu'un; que, lui absent, il eüt un representant
puissant ct considere comme lui-meme. Ce role ne pouvait convenir
qu'a la femme, et il faut dire qu'elle le remplit presque toujours
avec devouement et prudence. Le moral de la femme s'eleve dans
l'isolement; n'eprouvant pas les besoins d'activite physique au meme
degre que l'ho1nme, etant douce d'une imagination plus vive, son
esprit lui cree, dans la vie sedentaire, des ressources qu'elle sait
mettre a profit. Il ne faut donc point s'etonner si, au moment ou la
leodalite etait dans sa force, le role de la femme devint important,
si elle prit dans le chäteau une autorite et une influence supericures
a celles du chütelain sur toutes les choses de la vie ordinaire. Plus
sedentaire que celui-ci, elle dut certainement contribuer a l'embel-
lissement de ces demeures fermees, et les rivalites s'en melant, au
xme siecle deja, beaucoup de chateaux etaient meubles avec luxe et
contenaient en tentures, tapis, boiseries sculptees, objets precieux,
des richesses d'autant plus considerables qu'elles saccumulaient sans
cesse, la roue de la mode ne tournant pas alors avec la vitesse que
nous lui voyons prendre depuis un siecle. Il n'etait pas aise d'ail-
leurs, alors comme aujourd'hui, de remplacer un mobilier vieilli :
il fallait faire sculpter les bois, ce qui etait long; pour cela s'adresser
au huchier, au boitier 1; acheter les etoffes a la ville, et souvent le
chateau en etait eloigne; s'adresser au mercier, au eloutier, au cres-
pinierg, au cardeur, au chavenacierii, puis enfin au tapissier. Tout
cela demandait du temps, des soins, beaucoup d'argent, et c'est ce
dont les seigneurs feodaux vivant sur leurs domaines manquaient
le plus; car la plupart des redevances se payaient, soit en natur'e",
soit en services.
Jusqukl la fin du xve siecle, le service interieur des chäteaux etait
fait au moyen de corveesä. Les difficultes n'etaient pas moindres
' Fabricant de serrures ä boites pour meubles.
' Faiscurs de crepines.
' Marchand de grosse toile, canevas, pour doublures.
' Les redevances des paysans s'appelaient, en Normandie, regarda, regardamcnta,
regardationes, roarda et respectus; elles consistaient en poules, chapons, oeufs, oics et
gibier dc riviere, pains de diverses pspcccs, pains fetis, pains quartonuicrs, fouaccs,
tarieres et tourteaux; quelquefois une rente en deniers s'ajoutait a ces redevances.
glgggljtäzgäisgr älfonflzi. de la classe agrzc. en Normandze au moyen äge, par Lcop.
" En Normandie, cette classe de paysans etait dcsignce sous le nom general de bor-
diers. Les berdicrs etaient assujettis aux travaux les plus penibles, tels que le curage