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VIE
PIpVEE
DE
LA
NOBLESSE
FEODALE.
dalite clericale, singulierement enrichie oepuis les reformes de Cluny
et de (liteaux, donnait l'exemple d'un luxe rafline, dont nous pou_
vous difficilement aujourd'hui nous faire une idee, maigre les nom-
breux abus si souvent signales alors et dont les textes font mention.
Les seigneurs laiques ne pouvaient, pres des riches abbayes, des eve-
ches deja somptueux, a leur retour d'Orient, conserver les moeurs
grossieres de ces chatelains des x0 et x10 siecles, ayant pour habitude
de porter leur avoir avec eux; avoir qui ne consistait qu'en quelques
bijoux, quelques meubles transportables, une vaisselle d'etain, force
armes et harnais, et un tresor en matiere qui ne les quittait pas.
"Pour qu'un homme songe a se batir une demeure dans laquelle il
accumule peu a peu les objets necessaires a la vie, des provisions,
dans laquelle il laisse en depot ses richesses, il faut qu'il soit arrive
a un degre de civilisation assez avance. Il faut qu'il ait contianeenon-
seulement en la sürete de cette demeure, mais en la lidelite du per-
sonnel charge de la garder. Il faut qu'il ait des garanties, des suretes
autour de cette demeure, qu'il ait acquis, par la crainte ou le res-
pect, uneinfluence morale sur ses voisins. Tant qu'il n'est pas arrive
a ce resultat, il n'a que des repaires et non des demeures. La femme
n'etait pas, vis-it-vis du chef germain, ce qu'elle etait chez les Bo-
mains; quelle que fut Finferiorite de sa position, voisine de l'escla-
vage, cependant elle participait jusqu'a un certain point aux affai-
res,_ non-seulement de la famille, mais de la tribu. Le christianisme
developpa rapidement ces tendances ; Femaneipation fut a peu pres
complote. Le cierge sut profiter avec adresse de ces dispositions des
conquerants barbares, et il fit tout pour relever la femme a leurs
yeux ; par elle, il aequerait une influence sur ces esprits sauvages;
et plus la compagne du chef franc sortait de Petat de domesticite,
plus cette influence etait efficace.
Le systeme feodal etait d'ailleurs singulierement propre a donner
a la femme une preponderance marquee dans la vie journaliere. Les
Romains, qui passaient toute leur vie dans les lieux publics, ne pou-
vaient considerer la compagne attachee a la maison que comme
un etre reserve a leur plaisir, une societe n'ayant et ne pouvant
exercer aucune influence sur leur vie de citoyen. Mais, dans le
chateau feodal, quelle que fut l'activite du seigneur, il se passait
bien des journees pendant lesquelles il fallait rester pres de l'an-e.
Ce tete-a-tete force amenait necessairement une intimite, une soli-
darite entre Pepoux et Pepouse dont le Romain n'avait point Pidee.
Cette vie isolee, parquee, de lutte contre tous, rendait le role de la
femme important. Si le seigneur faisait quelque lointaine expedition.