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ngäsumui
TORIQUE.
du passe. Les (poques heroiques sont loin de nous, les caracleres
individuels s'effacent, (zhacml sent instinctivement que le vieux
monde craque de toutes parts, et, dans ce naufrage que la masse
pressent, les esprits eelaires cherchent avec une ardeur fiffbrile a
rassembler tout ce qui pourra venir en aide a la civilisation future.
Nous sommes dans le temps des innovations en toutes choses ; mais
nous inventorions le passe, parce que nous sentons qu'il nous eehaijiipe.
Le public, qui ne peut heureusement se livrer a de grands exees au
milieu d'une civilisation policee, veut au moins rcpaitre son imagi-
nation de la grandeur en bien ou en lnal des siecles precedents;
c'est un besoin qu'il faut satisfaire : ne pouvant plus etre acteur, il
veut etre spectateur, et c'est un spectateur difiieile, dejti instruit,
blase menfie et passablement seifptique. ll n'admet pas que Philippe-
Auguste doive parler comme Louis XlV, et qu'il se prominir: dans le
Louvre de (lharles V; la verite, ou c: qu'il croit etre la vil-rite, agit
sur lui plus que toutes les fictions poetiqties.
ll y a vingt-cinq ans deja, les novateurs que l'on designait sous le
nom de fronzcuztiqttes ont dit ce que nous disons ici; mais leur arse-
nal, assez medioerement garni, ne leur a pas permis de remporter
unevietoire tlÜClSlVl). Lorsqu'ils ont voulu se mettre a l'oeuvre, il
s'est trouve que leurs principes ne pouvaient s'appuyer que sur des
etudes tres-superlieiclles; le [Juhlic s'est moque d'eux. Et cependant
qui ne se rappelle certains succes de leurs chefs Est-il un livre qui
ait etejiluslu que la Notre-Ihtnte (le PzvivÄs"? Est-il un sufces plus
justement meritr: et plus durable que celui des Chron-iqaterstliz, temps
de Clziarles IX, de M. Merimeiz, de la Ligue, de M. Vitet? Ces ou-
vrages resteront, parce que leurs auteurs sont des ecrivains du pre-
mier ordre. Mais sont-ce seulementles fjualites de style qui ont fait
leur sueces populaire? Non, certes. C'est Petude suivie, minutieuse
des moeurs d'une epofjue, la verite historique sans pedanterie, sans
zitlectalion; c'est la realite des contours et des couleurs, ce caraeterr:
un que donne toujours la connaissance parfaite des hommes et des
choses d'une epoque. Qu'y a-t-il de plus poetique que la verite
L'imagination des poetes ou des romanciers a-t-elle jamais pu offrir
un spectacle plus (fmouvant que celui de l'histoire, que celui des
il-venements qui sans cesse passent devant nos veux? Pourquoi donc
les peintres dans leurs tableaux, les auteurs dramatiques dans leur
mise en seene, ne tcnteraicnt-ils pas de substituer la reproduction
de la realite a ces detroques de convention, si completemtint usecs
aujourd'hui? Pourquoi? Parce que les idees banales, les prejuges,
en fait d'art, ont chez nous force de loi, ctque les meilleurs esprits