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TRONE
On sait quel etait le luxe de la cour du duc de Bourgogne pendant
le xvc siecle. Lorsque les atfaires de France furent retablies, et que
Charles Vlll eut fait son expeditioil d'ltalie, la cour de France de-
passa, comme splendeur, ce que l'on zivait vu jusqu'alors; elle avait
pris outre monts des idees de grandeur qui inlluerent sur l'architec-
ture, les meubles, les vetements et sur le ceremonial. Pendant le
xv" siecle, le goüt dominant de cette läpüqtle, recherche a Fexces,
donnait a tout ce que l'on faisait alors, quelle que fut la richesse des
sculptures, des peintures et des etolies, une apparence de maigreur
et de pauvrete. La jeune cour du roi Charles Vlll abandonna bien
vite ces traditions vieillies. Les meubles particulierement, la maniere
de les draper, prirent plus d'ampleur. Les artisans frangais, arrives
a une execution aussi parliiite que possible, läippliquerent aux mo-
des nouvelles. La composition plus large "des meubles fut cependant
soumise a cette exeeution parlaite, et la cour imprimant le mouve-
ment, ce changement se lit sentir d'abord dans les meubles tenant
au ceremonial. Ceux-ci prirent un certain air de grandeur que l'on
ne trouvait pas encore dans l'architecture, plus lente a se conformer
aux idees nouvelles. Les peintures, les vignettes et les gravures de
la lin du xvc siecle et du xvl" nous ont conserve des representations
des meubles (Yapparat qui, comme disposition generale, comme
ampleur, comme entente d: l'effet, l'emportent certainement sur ce
qui se faisait sous Charles Vll et Louis XI. La disposition pittoresque
des draperies, leur abondance, indiquent l'habitude du vrai luxe. A
ce point de vue, nous ne saurions trop etudier les ceuvres de cette
epoque et meme celles du xvn" siecle, qui conserverent ces qualites
precieuses. Pour nous, zuijourddiui, les meubles d'apparat, etrzingers
a nos moeurs, sont ou mesquins ou theatrals; ils ne s'accordent ni
avec nos vetements etroits, ni avec nos habitudes bourgeoises; ils
sont charges d'ornc1r1ents dont. on ne comprend pas la signification;
leurs draperies pauvres indiquent trop les etlorts du tapissier, avare
de sa precieuse marchandise , rarement l'invention de l'artiste. Or, il
est bon (l'observer que pour qu'un meuble de luxe aitPapparence de
la veritable grandeur, il faut que sa construction soit claire, simple,
et que la richesse soit obtenue, non par des combinaisons cherchees,
mais par l'ampleur et la juste disposition des parties decoratives. ll
ne faut pas prendre ici le gras pour le gi'ctf1zcl, Pexageration d'ecl1elle
des details pour la magnilicience ou la majeste. Le gros a Finconve-
nient, dans les meubles d'apparat, däunoindrir l'objet principal, le
personnage. Les meubles du commencement de la renaissance ont
le merite devitei" les mievreries de ceux de la derniere epoqite go-
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