TAPIS
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cntierement tendue de tapisseries dont les franges trainent a terre,
l'action du heros est d'un effet terrible ; mais que Polonius soit
cache derriere une portierc comme un enfant jouant a cligne-onu-
sette, Polonius est un niais, et le coup d'epee, l'acte d'un fou en-
rage. Ilamlct ferait mieux alors d'aller prendre Polonius par les
oreilles et de le jeter a la porte. C'est ainsi que, sur nos theätres, la
mauvaise mise en scene d'anciens chefs-d'oeuvre altere la pensee du
poete. Ceci dit sous forme de parenthese.
Ces vastes pieces tendues de tapisseries etaient trop peu süres
pour la vie intime; cela explique pourquoi, dans les chateaux, on
reservait presque toujours, pres des grandes pieccs, de ces reduits
etroits ou l'on pouvait s'enfermer lorsque l'on voulait se livrer a
quelque entretien secret ou lorsqu'on cherchait la solitude. Dans
Pinterieur meme des grandes pieces, on etablissait des cloteis (voyez
ce mot), qui, le plus souvent, n'etaicnt fermes que de tapisseries.
C'est au moyen de ces clotets que l'on pouvait donner a coucher a
beaucoup de monde dans des chatcaux pourvus d'un tres-petit
nombre d'appartements. La grand salle etait alors un veritablc dor-
toir divise en cellules par des cloisons d'etoffc.
Les tapisseries les plus riches etaient pessedecs par les eglises.
Comme nous l'avons dit plus haut, ces tapisseries etaient exposees
dans les choeurs et meme dans les nefs a l'occasion de certaines fetes
religieuses. De ces tentures, il ne nous reste rien qui soit anterieui"
au XV" siecle, si ce n'est la tapisserie de Baveux, attribuee a la reine
lllathilde, femme de GUllltlLllTlO le Conquerant, et qui est certaine-
ment un monument de la seconde moitie du x16 siecle. Cette tapis-
serie n'est qu'une longue bande de canevas sur laquelle des exiene-
ments relatifs a la conquete dlflngletcrre par les Normands sont
brodes sans fond. ll y a tout lieu de supposer qu'elle etait destinee a
decorer le choeur des chanoines comme une frise continue accrocher:
pendant certains jours de Fennec 1. La collection Gaignercs de la
bibliothequc Bodleienne a Oxford contient une suite de tapisseries
fort belles, du xnie siecle, qui existaient encore dans Feglise Saint-
Medard en l'Ile, a Paris, au commencement du dernier siecle, et
figuraient la legende du patron de Peglisc.
En 1483, Louis Baguier, chanoine de Paris, devenu eveque de
Treyes, donna a son eglise quatre grandes pieces de tapisserie qui
representaient plusieurs sujets de la vie dc saint Pierre ct les ligures
1 Voy. Un mot sur les discuss. relat. d l'origine de la tapisserie de Bayeur,
Caumont (Bullel. monum., L. VIII, p. 73).
vil?
de