RELIQUAIRE
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Pendant les xne et xur sieeles, les juifs faisaient un veritable
trafic de reliques, et contribuaient ainsi a detruire le prestige qui
s'attachait aux restes des martyrs. Cependant, jusqu'au XVIa siecle,
on ne cessa de fabriquer des reliquaires, non-seulement pour les
eglises, mais pour des particuliers, et il faut dire meme que plus
la croyance en Fefficacite des precieux restes diminuait, plus on
donnait de richesse et d'elegancc au contenant; si bien qu'au
moment de la Reformation, les reliquaircs ctaicnt devenus plutot
des objets de luxe propres a decorcr un oratoire que des meubles
sacres.
Non-seulement, pendant le moyen fige, chacun desirait posseder
des reliques de quelque martyr, mais on en etait venu a porter sur
soldes objets auxquels on attachait une vertu particuliere: par
exemple, Flivangile de saint Jean pendu au cou dans un tuyau de
plume d'oie brode par les deux bouts et ornes de franges de soie, ce
qui garantissait d'une inünite de maux; un morceau de verre sur
lequel on gravait le psaume 9"; un rosaire, un scapulaire, une cein-
ture de saint Augustin, un ceinturon de sainte Monique, un cordon
de saint Francois, ou quelque autre signe de piete, ce qui devait
vous preserver de la damnation eternelle et vous assurer les sacre-
ments de PEglise a l'article de la mort, eussiez-vous vecu en paien;
ou bien encore des croix faites de certaines manieres, des sachets
remplis de mots cabalistiques. Tous les theologiens s'elevaient natu-
rellement contre de pareilles pratiques; mais la preuve que le mal
etait fort repandu, c'est qu'ils ne cessent de s'en plaindre comme
etant l'oeuvre du demon.
Nous diviserons les reliquaires en reliquaires de tresors deposes
dans les eglises, les saintes Chapelles et les oratoires, et les reli-
quaires portatifs, que l'on portait avec soi ou sur soi. Les premiers
sont encore aujourd'hui fort communs; quant aux autres, etant de
petite dimension et faits de matieres precieuses, ils sont assez rares.
Jusqu'au XIIÜ siecle, les reliquaires n'etaient pas aussi nombreux
qu'ils le devinrent plus tard, car les eglises qui possedaient des
corps-saints entiers n'en laissaient pas aisement distraire quelques
parcelles. Le culte pour les precieux restes des martyrs avait quel-
que chose de touchant dans les premiers temps de PEglise, et l'on
comprend parfaitement le respect que les populations portaient aux
tombeaux, demeures intacts, des confesseurs de la foi. Mais peu a
peu les abbayes, qui la plupart possedaient des corps-saints, soit
pour obtenir les bonnes graces d'un grand personnage, soit pour
reeonnaitre un service signale, donnerent des fragments de ces